En Charente, des communes expérimentent un dispositif de vigilance citoyenne contre les incendies. Des volontaires parcourent et surveillent les forêts pour ne pas revivre les sinistres de l’été dernier.
Les promeneurs montent profiter du panorama après une balade, certains en VTT, d’autres à cheval ou après un pique-nique à l’ombre des arbres. Un écriteau « feu de camp interdit » sur fond rouge rappelle que la zone est sensible. (...)
L’ancien moulin à vent représente l’un des meilleurs postes d’observation des environs et une tour de guet idéale. De là-haut, le paysage clairsemé par endroits révèle les stigmates de l’été dernier. Près de 1 200 hectares ont brûlé entre mi-juillet et fin septembre. « Une saison hors norme », disent les sapeurs-pompiers charentais. (...)
Le département n’avait pas connu pareille catastrophe depuis la tempête de 1999. La prévention et la lutte contre les feux de forêt ont immédiatement été replacées au premier plan et, à l’approche de l’été 2023, la gendarmerie de Charente [1] a lancé un dispositif de participation citoyenne sur le même modèle que Voisins vigilants contre les cambriolages mais, cette fois, pour prévenir les risques d’incendie.
Des groupes de bénévoles se sont constitués dans une trentaine de communes pour réaliser des « patrouilles » dans les massifs forestiers au sud du territoire. Certains s’étaient créés spontanément l’été dernier, d’une volonté d’être actif pour ne pas céder à la panique mais nécessitaient un encadrement, en lien avec le Service départemental d’incendie et de secours (Sdis) et la préfecture.
« Compléter l’action des professionnels, pas s’y substituer » (...)
Des retraités, des actifs, tous prêts à donner de leur temps pour préserver leur environnement. La procédure veut qu’ils soient « déclenchés » lorsque les massifs sont en alerte maximale mais le collectif organise également des rondes préventives, chasuble jaune sur le dos. (...)
Plusieurs départs de feu ont été signalés ces dernières semaines, tous rapidement maîtrisés. Les « citoyens vigilants » et les secours sont sur le qui-vive. « Pour l’instant, la météo nous aide. Mais quand on allume la télé et qu’on voit ce qu’il se passe autour de la Méditerranée… C’est très inquiétant », dit Baptiste Renaudin, le fils de Jacky.
Comme les autres bénévoles de son groupe, le trentenaire estime que la forêt est « un bien commun » à préserver et l’affaire de tous. « Le réchauffement climatique a été pris à la légère. On aurait dû s’en occuper il y a quinze ans déjà », abonde son père (...)
À une trentaine de kilomètres à l’ouest, Oriolles et ses moins de 300 habitants possède aussi un dynamique réseau de cinq volontaires. Il y a un an, 150 hectares ont été consumés sur la commune limitrophe de Boisbreteau, jusqu’où s’étend le massif de la Double. (...)
Dans le département, le nombre annuel de départs de feu a doublé depuis 2015. L’intérêt du dispositif citoyen est de pouvoir les maîtriser le plus tôt possible, ce que le colonel appelle « tuer l’incendie dans l’œuf ». Les volontaires ont la possibilité d’envoyer des vidéos aux secours pour évaluer à distance le danger et les moyens à mobiliser.
Les effectifs charentais progressent mais toujours moins vite que les besoins (...)
« On a le sentiment de devoir se débrouiller seuls avec très peu de moyens » (...)
Certaines municipalités n’ont pas signé le protocole dont elles déplorent une organisation qui repose essentiellement sur les maires. Tout comme le travail de prévention, autour des obligations de débroussaillage qu’ils sont chargés de contrôler ou de la création de pistes pour un meilleur accès aux massifs, « un gros billet pour les petites communes », signale un élu.
Ceux qui ont un emploi à côté avouent ne pas trouver le temps de démarcher leurs administrés. D’autres soulignent l’inaptitude de leur population vieillissante à patrouiller en forêt. « Toutes ces personnes se proposent spontanément mais qu’en est-il du dédommagement, pour le carburant ? Ça grimpe vite. Ce serait encore à nous de le financer », dit Sébastien Piot. (...)
La participation citoyenne, « du préventif » à compléter (...)
Le commandant Benoît Guérin, référent départemental feux de forêts dans la Sarthe, analyse : « La participation citoyenne, c’est du préventif. Cela doit s’accompagner d’un travail sur d’autres aspects, complémentaires : la formation des secours, l’aménagement d’une forêt résiliente, l’installation de caméras pour détecter les fumées. » Ces dernières sont nombreuses à avoir été installées cet été, en Gironde ou sur les hauteurs de Nice par exemple. En Charente, le sujet est à l’étude.