Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Reporterre
En Argentine, la Patagonie est le nouvel eldorado du gaz de schiste
Article mis en ligne le 5 mars 2019

Depuis deux ans, l’exploitation des gaz et huile de schiste explose en Patagonie argentine. Tous les majors du secteur, y compris Total, sont présents. Les associations dénoncent un mépris des règles environnementales et des droits des peuples autochtones.

C’est une vaste tache noire qui souille la steppe de la Patagonie. À Añelo, dans la province de Neuquén, sur plus de 13 hectares, des résidus de l’extraction d’hydrocarbures sont déversés à même la terre creusée et au mépris de toutes les normes environnementales. Mardi 26 février, pour exiger la fermeture de cette plateforme de traitement des déchets de la fracturation hydraulique [1], une quarantaine de militants de Greenpeace ont entrepris de bloquer son accès. Ils y ont déployé des banderoles et empêché d’entrer les camions provenant des concessions voisines, notamment celles opérées par Total et Shell. « L’industrie pétrolière opère ici sans aucun contrôle, dit Leonel Mingo, coordinateur de cette campagne de Greenpeace en Argentine. Nous exigeons que soit fermé ce site et que ces entreprises cessent de polluer l’écosystème de la Patagonie avec les résidus de l’extraction. »

Voilà déjà plusieurs décennies que le nord-ouest de la Patagonie est criblé de puits de gaz et de pétrole. Mais, depuis qu’a démarré l’exploitation du gisement de Vaca Muerta (littéralement « vache morte »), la région est bouleversée par le fracking. Avec cette formation de schiste géante, l’Argentine revendique les deuxièmes réserves mondiales de gaz non conventionnels derrière la Chine, les quatrièmes pour le pétrole non conventionnel. (...)

En tout, une trentaine d’opérateurs s’activent à fracturer le gisement, dont la plupart des majors du secteur (...)

Au rythme où va la perforation, « les plateformes sont à la limite de leurs capacités », reconnaît Darío Díaz, le maire, d’abord pris d’une quinte de toux à l’évocation du sujet. Deux autres sites sont en projet. Selon lui, « il en faudrait encore trois de plus » pour satisfaire les besoins de l’extraction. (...)

En décembre, Greenpeace avait déjà alerté sur les dysfonctionnements de cette plateforme gérée par une entreprise argentine, Treater, à une poignée de kilomètres des premières habitations. Dénonçant « du pur vandalisme environnemental » faute « de membrane de protection du sol », précise Paul Horsman, porte-parole de la campagne de l’ONG. « À l’évidence, ce site a été aménagé à la va-vite, pour permettre aux opérateurs de se débarrasser du cutting, un mélange d’hydrocarbures et de produits chimiques servant à lubrifier les puits, hautement toxique », dit-il. Une plainte a été déposée par plusieurs organisations sur place. (...)

Par ailleurs, les incidents se multiplient. Fin octobre, à quelques kilomètres d’Añelo, un puits opéré par YPF et Schlumberger s’est retrouvé 36 heures hors de contrôle, inondant de pétrole jusqu’à 80 hectares de steppe alentour. Début décembre, une autre marée noire est survenue entre les vergers proches de la localité d’Allen, dans la province voisine, polluant un affluent du Rio Negro.

« À Vaca Muerta, les incidents environnementaux, comme les accidents du travail, sont habituels. C’est plutôt le respect des règles qui est exceptionnel », dit Felipe Gutiérrez, de l’Observatorio Petrolero Sur (OPSur), centre d’études argentin sur les effets de l’extraction pétrolière. (...)

De par son ampleur, le gisement de Vaca Muerta est pourtant une véritable « bombe carbone », disent les experts. Son extraction complète génèrerait « 50 milliards de tonnes de CO2 », calcule Greenpeace. À ce sujet, le gouvernement argentin a reçu deux récentes mises en garde de l’ONU. (...)