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En Allemagne, un hijab de sport sur un air de David Bowie
Article mis en ligne le 15 novembre 2019
dernière modification le 14 novembre 2019

Berlin, métro Alexanderplatz, ligne 8, direction Neukölln. L’œil saturé d’images se pose sur une immense publicité pour Nike. Sur le carrelage vert d’eau se déploie une photo de la boxeuse allemande Zeina Nassar portant un hijab de sport. En dessous, cette phrase : « Du tust es nie nur für dich », c’est-à-dire : « Tu ne le fais jamais seulement pour toi », version 2019 du slogan Just do it.

Cette campagne promotionnelle est assortie d’une vidéo. Elle a la particularité de s’adresser exclusivement au public germanophone, avec des sportifs allemands : outre la championne Zeina Nassar, on y trouve le basketteur en NBA Moritz Wagner, le champion paralympique de saut en longueur Léon Schäfer ou les footballeurs Giulia Gwinn ou Leroy Sané. Le clip, arrangé par Hans Zimmer, reprend les paroles de Heroes, de David Bowie. (...)

On imagine difficilement – surtout ces temps-ci – une telle publicité en France. On voit d’ici les crises d’apoplexie sur Twitter, les débats éructant sur les chaînes d’information en continu et les campagnes de boycott. En Allemagne, les choses sont différentes. Sans être pour autant un parangon de tolérance, le pays a une relation plus apaisée à la question du voile. En 2018, une célèbre marque de bonbons mettait dans l’une de ses publicités une femme portant un hijab. La chose a certes provoqué des débats, mais d’une ampleur bien inférieure à ce qui peut se passer en France. (...)

En Allemagne, l’Eglise et l’Etat sont séparés, mais partenaires ; être athée peut vous faire faire des économies, car les croyants doivent payer une dîme. Le fait religieux s’enseigne à l’école. Tout cela est parfois pesant. On se souvient d’avoir découvert, un peu effarée, la biographie Twitter de l’ex-présidente du SPD, Andrea Nahles : « Social-démocrate. Catholique. Mère. »

Dans le même temps, et c’est reposant, le voile suscite moins d’agressivité en public qu’en France. Comme l’écrit la journaliste franco-allemande Cécile Calla dans le Temps : « La vision d’une jeune fille voilée dans un lycée, d’une éducatrice voilée dans une crèche ou d’une femme en burkini dans une piscine ne provoque pas de psychodrame national. » La France, elle, se déchire sur le burkini, après s’être déchirée sur le hijab Décathlon, après s’être déchirée sur… On ne compte plus. Et on ne sait pas comment expliquer à nos amis allemands par quel tour de passe-passe l’agression verbale d’une femme voilée par un élu d’extrême droite a pu déboucher sur le vote au Sénat de l’interdiction du voile pour les accompagnatrices de sorties scolaires. (...)

cette relative placidité concernant le voile est peut-être aussi une forme d’indifférence. Le pays, qui n’a jamais voulu se considérer comme une terre d’immigration, a longtemps regardé d’un œil distrait les cultures de ses « travailleurs invités », ne demandant à ces derniers ni de rester en Allemagne, encore moins de devenir allemands.