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En Algérie, le journaliste Khaled Drareni écope de trois ans de prison ferme
Rachida El Azzouzi Journaliste
Article mis en ligne le 10 août 2020

Le journaliste algérien Khaled Drareni a été condamné ce lundi 10 août à la très lourde peine de trois ans de prison ferme pour avoir exercé son métier de journaliste. C’est la plus lourde peine jamais prononcée contre un journaliste depuis l’indépendance du pays en 1962. Le journalisme est donc un crime en Algérie. Terrible nouvelle et dérive d’un pouvoir autoritaire, répressif.

La nouvelle - ou plutôt le coup de gourdin - est tombée ce lundi 10 août en fin de matinée en pleine torpeur estivale. Le journaliste algérien Khaled Drareni est condamné à trois ans de prison ferme pour avoir exercé son métier de journaliste dans une Algérie qui s’enfonce dans la répression depuis l’élection au forceps de son nouveau président Abdelmadjid Tebboune en décembre 2019.

C’est bien cela le crime de Khaled Drareni : être une voix et une plume libres, indépendantes, qui ont couvert le Hirak, le soulèvement populaire qui a emporté l’ancien président fantôme Abdelaziz Bouteflika et qui réclame depuis plus d’un an le départ du « système », l’avènement d’une « Algérie libre et démocratique », d’un état de droit.

C’est la plus lourde peine jamais prononcée contre un journaliste depuis l’indépendance du pays en 1962 (Sous Bouteflika, en 2004, le journaliste Mohammed Benchicou avait pris deux ans pour transfert illicite de devises).

Khaled Drareni n’est pas n’importe quel journaliste. Bien connu des médias internationaux, fondateur du site d’information libre Casbah Tribune, correspondant de la chaîne francophone internationale TV5 Monde, de l’ONG française Reporters sans frontières, vigie des atteintes à liberté de la presse à travers le monde, il est un journaliste populaire en Algérie et au-delà, à l’international.

Quiconque s’intéresse à l’Algérie le suit sur Twitter pour sa rigueur et son professionnalisme. Et rien que cette popularité par delà les frontières le rend coupable et mérite enfermement aux yeux des autorités, engagées dans le musèlement de toute voix critique. (...)

Il a redit n’avoir fait « que son travail en tant que journaliste indépendant et qu’exercer son droit à informer en tant que journaliste et citoyen ». Il a d’ailleurs mis en avant sa couverture de toutes les manifestations y compris celles pro-gouvernement ainsi que son droit en tant que citoyen d’exprimer son point de vue, ce que l’on appelle « la liberté d’expression », puisque la justice lui reproche notamment une publication Facebook où il a énoncé une vérité : le système politique n’a pas changé en Algérie après l’élection du président Tebboune.

Le procureur avait requis quatre ans de prison ferme, 100 000 dinars d’amende et quatre ans de privation des droits civiques à son encontre ainsi qu’à celle de ses deux co-accusés, Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche, deux figures du Hirak, condamnés chacun à deux ans de prison, dont quatre mois ferme (et qui ont été libérés peu avant le procès).

« C’est un verdict très lourd pour Khaled Drareni. Trois ans ferme. On est surpris. Le dossier est vide », a réagi ce lundi 10 août à l’annonce du verdict Nouredine Benissad, un des avocats du collectif de défense, également président de la Ligue algérienne des droits de l’Homme (LADH).

Quelques heures plus tôt, l’ONG RSF, qui mène une campagne internationale pour la libération immédiate de Khaled Drareni, prévenait qu’« une condamnation à une peine de prison serait la preuve d’une dérive autoritaire du pouvoir algérien ». « Elle confirmerait que le pouvoir algérien a tourné le dos aux idéaux de l’indépendance du pays », assénait le secrétaire général de RSF Christophe Deloire.

La semaine dernière, dans une tribune publiée dans plusieurs médias de part et d’autre de la Méditerranée, il avait appelé à libérer Khaled Drareni « par fidélité aux idéaux de l’indépendance algérienne » aux côtés notamment de Pierre Audin, le fils de Maurice Audin, le célèbre mathématicien et militant pour l’indépendance de l’Algérie, assassiné par l’armée française en juin 1957 en pleine bataille d’Alger. (...)

Le procès de Khaled Drareni n’est pas seulement celui de la liberté de la presse, il est celui de la liberté d’expression, des libertés individuelles bafouées, écrasées. (...)