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l’Humanité
Emmanuel Macron déterminé à célébrer Napoléon
Article mis en ligne le 5 mai 2021

Le président s’apprête à rendre un hommage officiel à l’empereur déchu, pourtant fossoyeur de la République, despote ivre de conquêtes qui ont dévasté l’Europe, et père d’un bonapartisme adversaire de l’exercice démocratique.

Un « Prométhée moderne », selon Victor Hugo. Un « Robespierre à cheval », d’après Germaine de Staël. Un « despote », enfin, pour Chateaubriand. Napoléon Bonaparte clivait déjà ses contemporains. Il divise toujours profondément deux cents ans jour pour jour après sa mort, le 5 mai 1821, au moment même où Emmanuel Macron s’apprête à lui rendre un hommage officiel. Ce mercredi, le président de la République doit prononcer un discours à l’Institut de France avant de déposer une gerbe devant le tombeau de l’empereur déchu, aux Invalides. La cérémonie sera suivie d’une minute de silence avant que soit entonnée la Marseillaise.
L’homme du 18 Brumaire

Le chef de l’État, qui a royalement ignoré les 150 ans de la Commune de Paris, s’apprête donc à s’incliner devant la mémoire de l’auteur du coup d’État du 18 Brumaire, qui mit fin à la Ire République. « La Révolution est fixée aux principes qui l’ont commencée, elle est finie », déclare le général en 1799. Trois ans plus tard, il rétablit l’esclavage dans les colonies, faisant de la France le seul pays de l’histoire à revenir sur une abolition, proclamée en 1794. Deux actions, parmi d’autres, indissociables de la figure napoléonienne. L’Élysée assure pourtant savoir qu’elle avance sur un terrain mémoriel risqué. « Nous regardons Napoléon en face : la République a embelli le meilleur de l’empereur et s’est séparée du pire de l’Empire », indique-t-on au palais.

Mardi, la Macronie a même envoyé le président de l’Assemblée nationale en opération déminage (...)

Mais le propre président de la Chambre basse se fait moins véhément concernant la mise au pas de la première expérience républicaine de notre histoire. « Nous autres députés ne pouvons non plus approuver l’homme du 18 Brumaire qui bouscula le Parlement, mais reconnaissons que nous lui devons aussi la colonnade du palais Bourbon, qui est devenue aujourd’hui l’emblème de notre démocratie », élude-t-il, dans une pirouette consacrée au coup d’État de 1799.

Richard Ferrand souligne ensuite la modernisation de l’État opérée par Napoléon, listant les lycées, les préfets, la Cour des comptes, le Conseil d’État et le Code civil. Puis il conclut en balayant d’un revers de main les critiques adressées, allant même jusqu’à inscrire les pas de la majorité dans ceux de l’empereur (...)

« Si on ne veut pas faire d’anachronisme alors n’en faisons pas : il y avait de nombreux adversaires de l’esclavage en France. Les révolutionnaires s’étaient en connaissance de cause prononcés contre ce “crime de lèse-humanité” avant d’être foutus à la porte », répond Pierre Serna. L’historien ajoute que, si la Révolution « n’a pas donné le droit de vote aux femmes, elle a permis le divorce, la reconnaissance des enfants naturels, et une politisation par la libération de la parole des femmes qui ne se taisent pas mais que Napoléon va faire taire sous l’Empire ».

Du reste, Napoléon organise l’autorité de l’empereur sur tous, celle du préfet sur les fonctionnaires et les maires (qui sont nommés et non plus élus), celle de la police sur les citoyens, celle du mari sur la femme, et celle du patron sur les ouvriers. Le livret ouvrier est rétabli : le patron est cru sur parole en cas de litige. L’obéissance fait partie du statut des enseignants. La presse est totalement contrôlée, sans aucune liberté. Et le Parlement est aux ordres : la soumission est totale, l’opposition n’est pas tolérée dans les assemblées, ni nulle part ailleurs.

« Napoléon met en place une véritable surveillance des citoyens, une police du soupçon, ce qui n’est pas neuf et s’inscrit dans l’avènement d’une police politique en germe », note l’historienne Jeanne-Laure Le Quang. (...)

« Se met en place ce qu’on appelle la France des notables », note Pierre Serna, qui précise aussitôt : « Napoléon devient l’homme le plus riche de France. Partout il se sert personnellement, ensuite il sert son clan familial », et se lance dans une politique répétée de pillages de l’Europe. (...)

Napoléon ne sait pas faire la paix. En 1805, 1808, 1812, il a de nombreuses occasions de cesser les hostilités, mais il repart toujours en campagne dans une soif permanente de conquêtes », pointe Pierre Serna. Jusqu’à laisser un pays exsangue, vaincu, et privé de République stable pour plus de cinquante ans. Car c’est aussi cela, l’héritage napoléonien.