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Embryons « de synthèse » humains... embryons vraiment ?
#embryons #recherche #reproduction
Article mis en ligne le 21 juillet 2023
dernière modification le 20 juillet 2023

Arrivés sur la scène médiatique à l’été 2022, les articles scientifiques qui s’intéressent aux embryons « de synthèse » humains font depuis boule de neige. Ces embryons « de synthèse » sont issus de biotechnologies et d’ingénierie qui miment et artificialisent, à l’extrême, la biologie de la reproduction humaine. Sous couvert de médecine, ils préparent en fait l’Homme augmenté. En juin 2023, s’est tenue une réunion de la Société Internationale pour la Recherche sur les Cellules Souches (ISSCR en anglais), qui a fait parler à nouveau des embryons « de synthèse ».

Liées aux capacités croissantes des techniques et grâce à l’afflux de capitaux, les recherches dites biomédicales s’emballent. Nous essaierons de comprendre comment la recherche biomédicale est arrivée à ce niveau d’artificialisation des embryons de mammifères, quelles en sont les promesses pour l’espèce humaine, les enjeux éthiques et législatifs dans le contexte économique actuel.

De petits pas en petits pas : organoïdes, blastoïdes, embryoïdes (...)

On obtient des copies réduites d’organes mais elles sont encore très imparfaites. Ainsi, un pseudo cœur a été construit à partir des propres cellules d’un patient, mais aucune transplantation n’est possible à ce jour (risques de rejet, anomalies et cancers) [4].

En dehors des promesses de greffes, les organoïdes se justifient en recherche fondamentale pour comprendre les processus de construction des différents tissus au sein des organes. Ce sont aussi des « outils » technologiques, sur lesquels on peut, par exemple, tester la toxicité de certaines molécules (médicaments, perturbateurs endocriniens...) ou mimer des maladies comme les cancers. (...)

Les questions éthiques deviennent parfois vertigineuses : ces « outils » que sont les organoïdes seront-ils vendables, vendus, brevetés ? Des cérébroïdes (« qui ressemblent au cerveau »), s’ils sont un jour construits dans leur complexité (encore largement inconnue), seront-ils doués de sensibilité ? de conscience ? Quels fantasmes nourrit-on par rapport à ces questions là ? (...)

Comme pour les organoïdes, les cellules souches utilisées peuvent être des cellules souches « induites » (iPS) [9] ou des cellules souches embryonnaires humaines issues de lignées de cellules déjà établies. Ces lignées, parfois très anciennes, ont été obtenues à partir d’embryons humains surnuméraires, issus de fécondations in vitro (FIV) ne répondant plus à un projet parental [10].
Le but affiché de ces modèles embryonnaires est à la fois scientifique et médical : comprendre le développement très précoce de l’embryon humain et les causes des avortements spontanés fréquents au cours de cette étape afin de les éviter. Mais aussi d’étudier les « effets des mutations génétiques et des toxines, ainsi que le développement de nouvelles thérapies associées à la fécondation in vitro », nous dit Xiaodong Liu, auteur d’une publication australienne sur le sujet [11]. Pourtant, le même affirme que « le développement de nos blastoïdes est bien moins efficace que celui des blastocystes ». Pourquoi alors tenter des expériences sur ces modèles, s’ils ne sont pas bons ? Pour faire progresser les techniques ? Par curiosité ?
Au sujet de ces blastoïdes, une étude récente nous montre la volonté d’aller plus loin [12]. Elle propose des pistes pour tenter d’implanter ces copies embryonnaires chez la souris et chez l’Homme... toujours pour « comprendre ». Est-ce sûr ? (...)

Nous sommes dans l’ère du virtuel et du transhumanisme et dès lors les publications scientifiques emploient le terme d’« embryons de synthèse ».

Les embryons de synthèse sont-ils des embryons ?

« Ce ne sont pas des embryons », tranche le chercheur français Laurent David : « jusqu’à preuve du contraire, ils ne donnent pas un individu viable et capable de se reproduire ». De même, Jacob Hanna le dit : « l’idée n’est pas de produire des mini-moi ».

Dans un récent article de Nature, Alfonso Martinez Arias, biologiste à l’université Pompeu Fabra de Barcelone, affirme que les résultats décrits ne peuvent en aucun cas être considérés comme analogues à de véritables embryons : « Ce que nous voyons, ce sont des masses de cellules séparées en compartiments, mais pas d’organisation semblable à celle d’un embryon », explique-t-il [17]. Mais tout cela tente de s’en rapprocher : modestie feinte ?

Cela nous amène à la définition d’un embryon. (...)

la législation sur les cellules souches embryonnaires est la même que celle des embryons dans de très nombreux pays et elle est restrictive : toute création d’embryons humains (issus de fécondation) est interdite (même si les embryons surnuméraires des FIV peuvent être utilisés avec consentement parental pendant 14 jours puis détruits) [19]. Les chercheurs et leurs entreprises, telle Renewal Bio, ont donc les coudées franches et pourront concéder des licences sur leurs droits de propriété intellectuelle, leurs embryons n’en étant pas.

Par contre, si les embryons artificiels proviennent de lignées de cellules souches embryonnaires humaines, ils résultent bien d’une fécondation (FIV). Ce sont donc des embryons et le caractère restrictif de la loi devrait faire effet. Or, en mai 2021, la Société internationale de recherche sur les cellules souches (ISSCR) a publié de nouvelles recommandations en terme de culture d’embryons humains in vitro [20]. Pour les 45 membres de l’ISSCR à l’origine de ces recommandations, la limite de 14 jours en vigueur actuellement « doit être allongée pour faire progresser les connaissances ». Aucune nouvelle limite n’est proposée. (...)

Une recherche scientifiquement controversée

Nicolas Rivron, Magdalena Zernica-Goetz et, globalement, la communauté médicale défendent ces modèles d’embryons pour permettre de comprendre les causes d’infertilité et les anomalies ou maladies du développement embryonnaire. En espérant les rendre effectifs.

Laurent David, par contre, se montre très critique quant à l’utilisation des organes ou tissus issus de ces modèles : « Dans le domaine de la clinique, les procédures sont tellement lourdes qu’au regard de la complexité et de l’hétérogénéité des tissus obtenus, ce ne sera pas compétitif par rapport aux banques de cellules souches par exemple » .

Quant à l’efficacité des cellules iPS à construire des modèles fiables d’embryons, on peut en douter. En effet, la reprogrammation génétique des cellules somatiques peut induire des mutations d’ampleur variée pouvant altérer le fonctionnement des cellules dérivées des iPS. En outre, la reprogrammation des cellules est parfois incomplète (...)

Embryons artificiels : pourquoi se préoccuper d’éthique ?

Deux problèmes éthiques se posent et se rejoignent.

Le premier, celui des embryons, réserves d’organes, dont les données seront même numérisées [23]. Il s’agit d’abord de réparer les défaillances physiologiques humaines, mais se profile la possibilité d’avoir des organes toujours jeunes prolongeant la vie humaine, comme le vend la start up de Jacob Hanna. C’est de l’eugénisme.

Le deuxième problème est celui de la reproduction artificielle de l’humain qui devient un processus technique, destiné à être optimisé. (...)

Mais certains chercheurs risquent d’être tentés de faire naître ces embryons artificiels. L’objectif serait bien alors de créer la vie, dans une posture de contrôle total et de toute puissance scientifique. Donc de réduire la vie à ne plus être qu’un produit d’une nouvelle industrie. Des corps, hommes ou femmes, sans héritage générationnel ou historique naîtraient : un bond dans l’inconnu bien peu désirable.

Dans leur volonté de faire des ersatz de la réalité, ces chercheurs promettent d’améliorer la réalité, mais on peut craindre qu’ils veuillent lui substituer leur production artificielle.