
Les élections municipales ne sont pas encore terminées, que l’attention médiatique semble déjà se tourner vers les prochaines échéances électorales : les élections européennes. Dans cette perspective, Courrier international nous offre dans son édition du 6 mars 2014, un chef d’œuvre de propagande européiste, dans la droite ligne du traitement médiatique du référendum sur la Constitution européenne de 2005 [1].
Le dossier spécial Union européenne du numéro de Courrier international est constitué de trois articles supposés faire le tour du sujet (voir les références des articles originaux en annexe). Son titre annonce bien l’orientation choisie : « Le populisme se nourrit du chômage ».
Le terme « populisme » est cité onze fois en un seul article, mais pas une seule fois expliqué. Pourtant, comme nous l’écrivions dès 2006, le terme, outre qu’il est très flou, est loin d’être neutre : « Ces élites sociales sont par définition - la définition qu’elles donnent d’elles-mêmes - des élites éclairées. Elles se rassemblent au sein d’un cercle : le cercle de la Raison. Au centre de ce cercle, les distributeurs de légitimité médiatique qui, se posant en arbitres du débat public, le réservent à leurs pairs - experts, managers, leaders - qui partagent avec eux l’ethnocentrisme de classe non dénué d’arrogance qui nourrit leurs dénonciations du « populisme ».
Le terme « populisme » permet donc de (dis)qualifier d’emblée tous ceux qui contestent d’une manière ou d’une autre l’ordre des choses façonné, défendu et légitimé par les « élites éclairées ». On assiste alors à une dénonciation de l’ensemble des mouvements critiques à l’égard des orientations politiques prises par l’Union européenne, mises systématiquement dans un même sac poubelle. (...)
Face à des adversaires aussi caricaturaux, rien de tel que l’invocation manichéenne d’un héroïsme européen, et qu’un appel grandiloquent aux europhiles pour « insuffler une grandeur, une dimension épique, à leur messages », afin de « combattre la montée du populisme » et de « créer une Union "plus forte et plus résistante" » – en effet, « le rêve doit être l’union politique. » Des figures courageuses sont mises en avant, telles que... l’ancien patron de la filiale européenne de la banque Goldman Sachs et ancien Président du conseil italien Mario Monti, qui « n’a pas hésité une seconde »à déclarer sa « préoccupation » vis-à-vis du populisme. (...)
Avec ce dossier à sens unique, glorifiant des élites éclairées et méprisant toute contestation de l’ordre européen existant, assimilée en bloc et systématiquement à un « populisme » honni, quand ce n’est pas aux mouvements les plus xénophobes et violents, Courrier international, qui promet pourtant à ses lecteurs une « confrontation des points de vue », se fait le porte-voix de l’Europe libérale et de ses « élites bienveillantes »...