
Le 1er juillet, à l’issue de manifestations gigantesques dans les rues égyptiennes, l’armée a publié un communiqué affirmant « son soutien aux demandes du peuple » et donnant « à tout le monde » quarante-huit heures, délai de la « dernière chance [pour] assumer leurs responsabilités en ce moment historique ». Si ces demandes ne sont pas satisfaites, poursuit-elle, « ce sera aux forces armées d’annoncer une feuille de route, et des mesures supervisées par elles en coopération avec toutes les forces patriotiques et sincères [...] sans exclure aucun parti ».
Avec le retour probable de l’armée sur le devant de la scène, c’est la principale avancée du président Morsi durant son court règne qui est remise en cause. C’est lui en effet qui, en août 2012, avait renvoyé le Conseil supérieur des forces armées (CSFA) dont la gestion du pays pendant un an et demi s’était révélée catastrophique (lire « Egypte, une nouvelle étape ? »).
Il n’est pas inutile de rappeler que :
- le CSFA porte une responsabilité majeure dans la transition chaotique qui a suivi le départ de Hosni Moubarak ;
- durant la révolution et la période où elle a exercé le pouvoir, l’armée a réprimé, arrêté, fait disparaitre, torturé des centaines de personnes, comme l’a confirmé un rapport publié par le quotidien britannique The Guardian (lire « Vers une intervention de l’armée en Egypte ? ») ;
- l’armée a tiré sur les manifestants qui protestaient contre les attaques visant les coptes. Ce massacre s’est produit devant le siège de la télévision (Maspéro) en octobre 2011 (lire « Egypte : sanglante répression contre les coptes »).
Que, dans ces conditions, le mouvement Tamarod, à l’origine de la campagne de signatures pour démettre Morsi, proclame : « L’armée s’est rangée aux côtés du peuple », a de quoi inquiéter. D’autant que l’opposition a repris cette idée. Ils ont la mémoire courte.
Pourtant, si l’armée peut revendiquer son retour aux affaires, c’est que Morsi a échoué. Et cet échec est éclatant dans tous les domaines, qu’il s’agisse de l’édification d’un Etat de droit ou du développement économique et social. (...)
Mais si Morsi porte les responsabilités de son échec, on ne peut oublier certaines données :
L’essentiel de l’appareil étatique échappe à la présidence. Je ne parle même pas de l’armée, mais aussi de la police qui n’a pas pu – ou pas voulu – protéger les sièges des Frères musulmans attaqués durant ces derniers mois. Quant au ministère de l’intérieur, il a publié le 30 juin un communiqué gonflant le chiffre des participants aux manifestations !
Qu’il ait été sincère ou non, Morsi a tenté des gestes d’ouverture en direction de l’opposition, gestes qu’elle a systématiquement rejetés. (...)
Le fait que des millions de personnes soient descendues dans la rue ces derniers jours est la preuve que le peuple en Egypte n’est pas prêt à rentrer chez lui tant que ses revendications de justice sociale et de liberté n’auront pas été satisfaites. Ces manifestants ont affirmé que la révolution n’est pas terminée. C’est une réalité que les gouvernants de demain, quels qu’ils soient, devront prendre en compte.