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Human Rights Watch
Égypte : L’épidémie de torture pourrait constituer un crime contre l’humanité
Article mis en ligne le 7 septembre 2017

Sous la présidence d’Abdel Fattah al-Sissi en Égypte, des policiers et agents de la sécurité torturent systématiquement les prisonniers politiques à l’aide de techniques telles que les passages à tabac, l’électrocution, les positions douloureuses et parfois le viol, a révélé Human Rights Watch dans un nouveau rapport rendu public aujourd’hui.

La torture généralisée et systématique par les forces de sécurité constitue probablement un crime contre l’humanité, selon le rapport de 63 pages intitulé « ‘We Do Unreasonable Things Here’ : Torture and National Security in al-Sisi’s Egypt » (« Nous ne sommes pas raisonnables ici : Torture et sécurité nationale dans l’Égypte d’al-Sissi »). Les procureurs ignorent généralement les plaintes de détenus faisant état de mauvais traitements et parfois menacent ceux-ci d’actes de torture, alimentant ainsi un climat d’impunité presque totale, selon Human Rights Watch.

« Le président al-Sissi a effectivement donné aux policiers et aux agents de la sécurité nationale un blanc-seing pour se livrer à la torture quand bon leur semble », a déclaré Joe Stork, directeur adjoint de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch. « L’impunité qui recouvre le recours systématique à la torture a privé les citoyens d’espoir de justice. »

Le rapport détaille la manière dont les forces de sécurité, en particulier l’Agence nationale de sécurité, qui dépend du ministère de l’Intérieur, recourent à la torture pour exorquer aux suspects des aveux ou réprimer ces derniers. Les allégations d’actes de torture se sont multipliées depuis que le ministre de la Défense al-Sissi a renversé l’ancien président Mohamed Morsy en 2013, ouvrant la voie à une répression systématique des droits fondamentaux. La torture figure de longue date dans le système d’application des lois en Égypte, et les abus perpétrés par les forces de sécurité ont contribué à déclencher le soulèvement de 2011 qui avait mis fin au régime de près de 30 ans de l’ex-président Hosni Moubarak. (...)

En vertu du droit international, la torture est un crime de compétence universelle qui peut faire l’objet de poursuites judiciaires dans n’importe quel État. Lequel est tenu de procéder à l’arrestation de quiconque sur son territoire est soupçonné de s’être livré de manière crédible à des actes torture, d’ouvrir une enquête sur les individus suspectés, et de les poursuivre en justice ou de les extrader pour qu’ils rendent compte de leurs actes. (...)

Depuis le coup d’État militaire en date de 2013, les autorités égyptiennes ont arrêté ou inculpé probablement au moins 60 000 personnes, fait disparaître de force des centaines d’autres pendant des mois, prononcé à titre provisoire des centaines de condamnations à la peine capitale, jugé des milliers de civils dans des tribunaux militaires et créé au moins 19 nouvelles prisons pour absorber cet afflux de condamnés. La principale cible de cette répression sont les Frères musulmans, le plus important mouvement d’opposition du pays.

Human Rights Watch a déterminé que le ministère de l’Intérieur a mis en place une véritable chaîne répressive destinée à recueillir des informations sur les dissidents présumés et à monter contre eux des affaires souvent fabriquées de toutes pièces. Elle débute par une arrestation arbitraire, suivie d’actes de torture et d’un interrogatoire pendant une période de disparition forcée, et s’achève par une comparution devant les procureurs, lesquels font souvent pression sur les suspects pour qu’ils confirment leurs aveux extorqués et ne diligentent pratiquement jamais d’enquête sur ces abus. (...)

L’historique de la torture en Égypte a plus de trois décennies et Human Rights Watch avait déjà révélé l’existence de telles pratiques dès 1992. L’Égypte est également le seul pays à faire l’objet de deux enquêtes publiques par le Comité des Nations Unies contre la torture, qui a écrit en juin 2017 que les éléments qu’il a recueillis « permettent de conclure de manière incontestable que la torture est généralisée en Égypte ». (...)

« L’impunité passée s’agissant de la torture a laissé de profondes cicatrices chez des centaines d’Egyptiens et constitue l’un des soubassements de l’insurrection de 2011 », a conclu Joe Stork. « Permettre aux services de sécurité de se livrer à ce crime odieux à travers tout le pays ne fera qu’enclencher un nouveau cycle d’instabilité. »