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Echos des Lumières - Parcoursup au XVIIIe siècle
Echos des Lumières est un nouveau projet animé par des doctorants en histoire moderne, destiné à explorer les relations entre l’actualité et le XVIIIe siècle.
Article mis en ligne le 28 mai 2019
dernière modification le 27 mai 2019

Alors que la plateforme d’accès aux études supérieures a rendu ses premiers résultats ce mercredi 15 mai, Parcoursup continue de cristalliser les contestations et les critiques, tant pour la lenteur du dispositif constatée l’an dernier et ses bugs préjudiciables, que pour le passage pernicieux d’une logique d’accès de droit à l’université, permis par le baccalauréat, à un système de candidatures.

Dans ce contexte, il n’est pas inutile de rappeler ce qu’étaient les universités au XVIIIe siècle ainsi que leurs étudiants… sans oublier certains projets de réforme commençant à promouvoir un accès généralisé aux formations dispensées par ces institutions !

L’université moderne

Beaucoup d’encre a coulé sur la supposée régression des universités entre leur prestigieuse genèse médiévale et leur apogée au XXe siècle, contemporain de la démocratisation et de la massification de l’enseignement. En effet, on a souvent estimé que le cœur de la « révolution scientifique » se trouvait loin de ces établissements, qui se voyaient concurrencés voire dépassés par ces nouveaux lieux de production des savoirs qu’étaient les académies pour les plus formels d’entre eux, ou les cercles savants pour les plus informels. Les positions conservatrices de l’université de Paris, condamnant successivement le cartésianisme, les jésuites et l’Encyclopédie, n’ont pas été étrangères à cette vision. Bien qu’elle ait été corroborée par de nombreux contemporains à commencer par Bacon, elle a pourtant été hautement relativisée, en particulier dans les cas anglais et italien.

Encore faut-il s’entendre sur ce que l’université désigne… Et la tâche est loin d’être facilitée par le fait que, contrairement à l’époque médiévale, la reconnaissance du pape et de l’empereur ne suffit plus à garantir le statut officiel d’une université, comme en témoigne le refus de l’empereur de reconnaître l’existence de l’université de Leyde, fondée en 1575 par les résistants à l’armée espagnole et confirmée par Guillaume de Nassau. (...)

alors que la distinction entre les enseignements secondaire et supérieur est particulièrement nette à nos yeux, elle l’était beaucoup moins au XVIIIe siècle, à une époque où de nombreuses institutions d’éducation gravitaient autour des universités et complétaient leurs enseignements, à commencer par les collèges. En France, les collèges accueillaient les jeunes de 10 à 17 ans et, à Paris, demeuraient rattachés à la faculté des arts de l’université de Paris, qui contrôlait les statuts et participait pleinement à la nomination des principaux. Ils prenaient en charge l’enseignement du trivium (rhétorique, grammaire, logique) et d’une partie du quadrivium (arithmétique, musique, géométrie, astronomie), ayant donc à ce titre un rôle d’enseignement supérieur, même si la délivrance des diplômes incombait à la faculté des arts. Mais, au juste, qui fréquentait réellement les bancs de l’université ?

L’université et ses publics

Loin des amphis bondés de nos universités contemporaines, le XVIIIe siècle n’est incontestablement pas celui de la massification universitaire. Dans certains États comme l’Angleterre, les inscriptions (immatriculations) à Oxford et Cambridge régressèrent à une vitesse surprenante : après l’âge d’or de la décennie 1630-1639 et ses 996 inscriptions annuelles en moyenne, la décennie 1750-1759 faisait pâle figure avec ses 331 immatriculations. (...)

L’Europe méridionale, à l’instar de l’Espagne, révélait au contraire une indéniable croissance universitaire. En France, on estime qu’entre 12 500 et 13 000 étudiants peuplaient les universités à la veille de la Révolution française… Ces chiffres paraissent toutefois dérisoires rapportés à une population d’au moins 26 millions d’habitants !

De surcroît, le recrutement des universités tendit à se resserrer progressivement partout en Europe. L’éventail social avait pourtant été ouvert. À la fin du XVIe siècle, les « plébéiens », fils de marchands, de notaires, de paysans aisés et de petites gens des villes et des bourgs, représentaient 55% des effectifs d’Oxford. De telles observations sont pleinement pertinentes pour Paris, où l’hétérogénéité sociale constituait la norme. Cependant, le XVIIIe siècle se caractérisa par une logique radicalement inverse à celle qui avait prévalu jusque-là. (...)

le XVIIIe siècle fut particulièrement riche en projets de réforme de l’université. L’université de Paris, réputée pour son conservatisme, produisit en 1762-1763, dans le contexte de l’expulsion des jésuites, un certain nombre de mémoires porteurs d’un effort de renouvellement, quoiqu’encore timide. Dans l’un d’entre eux, elle sembla s’inquiéter de la diminution des effectifs universitaires, y compris dans la capitale, regrettant une jeunesse jetée en pâture à des maîtres inexpérimentés, et appelée à rejoindre ces cohortes d’« hommes inutiles, fainéants ou oisifs ». Mais si l’université souhaitait que l’accès aux savoirs se répandît, chacun devait recevoir une éducation en adéquation avec ses besoins… Car il serait bien préjudiciable de voir les campagnes se vider alors que le royaume avait plus que jamais besoin de soldats, de matelots, de cultivateurs et d’artisans. Le thème d’un surplus de « diplômés » était déjà bel et bien omniprésent ! (...)

Pourtant, certains philosophes des Lumières se montrèrent moins frileux à l’idée d’élargir l’accès à l’université. Denis Diderot, par exemple (...)

Si la Révolution française marqua l’apparition des grandes écoles et consacra la disparition des universités, vestiges d’un Ancien Régime à abattre, elle avait parfaitement intégré les propos de Diderot en faveur d’un enseignement public. Condorcet s’en fit l’étendard dans ses Cinq mémoires sur l’instruction publique (1791), considérant cette dernière comme « un devoir de la société à l’égard des citoyens ». Le XVIIIe siècle offre ainsi un laboratoire pertinent des tentatives de modernisation dans un cadre qui était encore loin d’être celui de la démocratisation scolaire.