Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
la cimade
ÉTÉ 2018 EN MÉDITERRANÉE : LA DÉMISSION EUROPÉENNE
Article mis en ligne le 1er septembre 2018

Encore un sinistre été pour les personnes exilées et leurs soutiens en Méditerranée. Entre juin et fin août, 765 personnes ont perdu la vie à la suite de naufrages, soit près de la moitié du total des décès comptabilisés en Méditerranée depuis janvier 2018 (selon les données collectées par l’OIM) . Et les interceptions de bateaux par les garde-frontières libyens ont pour conséquence de ramener de force les personnes migrantes vers l’enfer qu’elles fuient, en violation du droit international.

Au cours de l’été, différents navires ont été bloqués plusieurs jours en mer avant d’obtenir l’autorisation de débarquer les personnes naufragées à leur bord, dans un port européen. En effet, courant août, le ministre de l’intérieur italien Matteo Salvini avait affirmé que les ports resteraient fermés aux navires désireux de ramener les personnes exilées qu’ils avaient secourues en mer en Europe. Le dernier épisode de ces tensions estivales a opposé pendant des jours l’équipe de garde-côtes italiens du navire le Diciotti et le ministre de l’Intérieur, celui-ci refusant catégoriquement que les personnes secourues débarquent sur le territoire. Une fois de plus, Matteo Salvini avait mis pour ultimatum la relocalisation immédiate de ces personnes dans d’autres pays européens ou leur retour en Libye. Les 150 personnes retenues sur le bateau (29 mineur·e·s avaient déjà été débarqué·e·s à Lampedusa) et les garde-frontières ont finalement pu débarquer à Catane après de longs jours à bord. L’association italienne Arci a déposé un recours contre le gouvernement italien pour séquestration arbitraire. Entre temps, la justice italienne a ouvert une enquête contre le ministre de l’intérieur italien pour « séquestration de personne, arrestations illégales et abus de pouvoir ».

Est-ce que cette situation est vouée à se reproduire à chaque débarquement, provoquant une interdiction d’accoster, des conditions dramatiques pour les personnes secourues, des violations de leurs droits, et encore et toujours des tensions entre partenaires européens en panne de toute ambition commune ?(...)

DES PLATEFORMES DE DÉBARQUEMENT DANS LES PAYS TIERS, LA « NOUVELLE » IDÉE DE L’EUROPE ?(...)

La Commission appelle ainsi à la création de centres de sauvetage dans tous les pays du sud de la Méditerranée pour « limiter le nombre de morts en mer » ainsi que de lieux de débarquement où les personnes puissent ensuite être triées entre celles ayant droit à la réinstallation (par les programmes du Haut-Commissariat aux Réfugiés) et les autres, qui pourraient rentrer chez eux volontairement (par les programmes de l’Office International des Migrations). Pourtant, jusqu’à présent, aucun pays d’accueil de ces plateformes n’a été officiellement cité. Les pays du Maghreb ont d’ailleurs rapidement exprimé leur refus de voir de tels lieux se développer sur leur sol.(...)

Au même moment, SOS Méditerranée publie une tribune signée par plus de 500 personnalités et organisations dont La Cimade pour dire que l’Aquarius reprend la mer pour sauver des vies en suivant avant tout les principes du droit en mer et du droit international et ne débarquera donc pas les personnes sauvées en Libye. Reste à voir ce les États inventeront à l’avenir pour empêcher l’action des quelques ONG qui demeurent actives en Méditerranée. Malgré les intimidations, les saisies de navires, les poursuites contre les membres des équipages, les ONG n’ont jamais été condamnées pour ce qui leur était reproché, c’est-à-dire de « faciliter l’entrée irrégulière » ou même de « faire le jeu des passeurs » selon les propres mots du président Emmanuel Macron.

Pendant que des centaines de personnes sont refoulées vers la Libye sans espoir de protection, les regards se tournent à nouveau vers l’Espagne et le Maroc, désignés comme « nouvelle route migratoire » qu’emprunteraient les personnes migrantes. La réponse de la Commission ne s’est pas faite attendre avec le déploiement de nouveaux fonds d’urgence pour l’Espagne afin de lutter contre l’immigration irrégulière et le renforcement des fonds alloués au Maroc et à la Tunisie dans le cadre du Fonds Fiduciaire d’urgence pour l’Afrique.

Les mêmes politiques créeront toujours les mêmes effets. Et le prix à payer pour les milliers de personnes exilées enfermées, refoulées, violentées, trop souvent noyées ou mortes sur les chemins d’exil, est bien lourd.