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ENQUÊTE - Le maître caché de l’industrialisation de l’agriculture
Article mis en ligne le 23 février 2015
dernière modification le 20 février 2015

Les nombreux projets de ferme-usines en cours annoncent l’industrialisation de l’agriculture, totalement différente du modèle mis en avant par le Salon de l’agriculture qui s’ouvre demain. Se dessine une industrie avec peu de travailleurs et visant à maximiser le profit de grandes entreprises. Une holding nommée Avril – nouvel avatar de Sofiprotéol – joue un rôle clé dans cette mutation forcée. Reporterre a exporé les méandres du maître secret de l’agriculture française.

Leur étendard le plus connu reste encore les mille vaches. Mais elles se développent aussi pour les jeunes bovins, avec la ferme des mille veaux ou pour d’autre bétail, à l’image de la ferme des trois mille cochons ou à celle des mille truies. En production de volailles, les chiffres sont encore plus spectaculaires, on parle de 250 000 poules. Le gigantisme gagne aussi les élevages mixtes, comme en Touraine, où la ferme des 2 200 animaux doit accueillir prochainement ensemble, vaches laitières, taurillons, génisses et chèvres. Autant d’avatars d’un même modèle : la ferme-usine.

Une logique d’agrandissement sur tout le territoire (...)

La carte interactive que publie Reporterre ce jour - en partenariat avec la Confédération paysanne - ne laisse plus de doute : les projets d’élevage géants explosent en France. Dans le même temps, les fermes traditionnelles, de modèle familial, peu aidées, ne parviennent plus à survivre à un environnement économique de plus en plus dur.

En 60 ans, le nombre des exploitations agricoles a été divisé par quatre, passant de deux millions en 1955 à 500 000 environ en 2010. Selon le recensement agricole de 2010, deux cents exploitations disparaissent chaque semaine. Le secteur laitier, avec la crise du lait en 2009, a sans doute payé le plus lourd tribut. Le nombre de fermes laitières s’élevait en 2010 à 78 362 contre environ 427 000 en 1983, soit une perte de 82%, selon une étude de FranceAgriMe.

Souvent, ceux qui jettent l’éponge vendent tout ou partie de leurs terres et de leurs bêtes aux voisins, qui agrandissent leur exploitation pour gagner en chiffre d’affaires et faire des économies d’échelle. Aussi, la taille des fermes grossit. En 1955, 80 % des fermes françaises comptaient moins de 20 hectares en moyenne contre 55 hectares en 2010. (...)

c’est au nom d’une « agriculture moderne et performante » qu’il réaffirmait, il y a quelques jours encore, auprès de François Hollande, son soutien au projet de la ferme des mille veaux. Voici donc comment la taille se retrouve synonyme de performance dans le discours du premier syndicat agricole.

Concentration, Industrialisation, financiarisation (...)

Qu’apprend-on ? Que « tout est pensé pour réduire l’importance d’une main-d’œuvre salariée » grâce à une « mécanisation complète » et « à la pointe de la technologie ». Moins de travailleurs, plus de capital : « Les originalités économiques de construction payent pour une part les équipements high-tech, les associés misent au final sur une grosse productivité allégée en main d’œuvre ».

Qui finance un tel projet ? La SCEA (Société civile d’Exploitation Agricole) Ker Anna, qui gère le projet, est composée de cinq associés-fondateurs (...)

Vous vous y perdez ? C’est pourtant simple. Sanders Ouest, Sanders Bretagne, Abera, France Gènes sont toutes filiales d’un seule et même opérateur : Sofiproteol, rebaptisé Avril le mois dernier.

Avril-Sofiproteol, acteur omnipotent des filières de l’agro-industrie (...)

le groupe Avril-Sofiproteol, rarement visible sur la scène médiatique, n’en est pas moins un acteur-clé de l’agriculture française. Et la filière porcine est loin d’être la seule scène où il joue sa partition. La volaille ? Il est le propriétaire de Matines, la célèbre marque d’œufs et a échoué à la reprise de Doux, à l’été 2012. Les huiles ? Le groupe est leader dans le secteur en France, mais aussi au Maroc et en Roumanie, grâce notamment à Lesieur et Puget.
Avril-Sofiproteol se développe aussi dans les biotechnologies, avec Biogemma, In Vivo ou Hendrix Genetics dont Sofiproteol est actionnaire.

En fait, la question n’est plus tant de savoir dans quelles branches de l’activité agricole s’est spécialisée Avril, mais plutôt dans laquelle elle ne s’est pas encore développée. Holding regroupant plus de 150 sociétés différentes, le groupe pèse 7 milliards d’euros et reste le bras financier de l’agriculture par le biais de Sofiproteol. De l’alimentation humaine à la nutrition animale, en passant par les semences, les énergies renouvelables et même la presse du secteur, de l’amont jusqu’à l’aval, en France et mais aussi au Maghreb, en Afrique ou en Europe de l’Est, Avril-Sofiproteol est partout.

Et partout où l’on regarde, on constate que les activités industrielles de Sofiproteol s’accordent parfaitement avec le développement des fermes-usines et des nouveaux besoins qui leur sont corrélés : le groupe est un partenaire stratégique de l’industrialisation de l’agriculture.

A partir de lundi, suivez le reportage sur Avril-Sofiproteol, qui revendique « un nouveau printemps » pour l’agriculture française. Tout au long de la semaine, découvrez sur Reporterre le récit de la construction de cet empire.