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Reporterre
- EDF veut construire une piscine géante de déchets nucléaires à Belleville-sur-Loire
Cet article est le premier d’une série de quatre que Reporterre consacre à ce projet de stockage des déchets radioactifs en piscine.
Article mis en ligne le 13 février 2018

EDF et l’ASN réfléchissent dans la plus grande opacité à un nouveau bassin de stockage (une « piscine ») de combustibles usés, brûlants et hautement radioactifs. Reporterre révèle que la centrale de Belleville-sur-Loire, dans le Cher, a été choisie pour les accueillir. Et expose le dossier.

Les piscines de La Hague (Manche), où sont entreposés les combustibles usés des réacteurs nucléaires, débordent ? Pas de problème, EDF prépare actuellement, dans la plus grande discrétion, une nouvelle piscine « d’entreposage centralisé » où déverser le surplus. Selon les informations de Reporterre, EDF veut construire ce très grand équipement sur le site de la centrale nucléaire de Belleville-sur-Loire, dans le Cher. Il pourrait accueillir entre 6.000 et 8.000 tonnes de métal lourd irradié (tMLi, l’unité de masse pour les combustibles irradiés) — en clair, l’équivalent de 69 à 93 cœurs de réacteur nucléaire de combustibles brûlants et hautement radioactifs [1].

Pourquoi Belleville ? Selon nos informations, la centrale remplit plusieurs critères exigés par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) : un emplacement central dans l’Hexagone et un raccordement direct au réseau ferroviaire. En outre, il reste de la place dans l’enceinte de la centrale, qui couvre 170 hectares, puisque seulement deux des quatre réacteurs prévus y ont été construits. Les amateurs de vins fins apprécieront : la future piscine d’« entreposage » se trouvera pile entre les deux grandes AOC du Sancerre et du Pouilly fumé. Le terme officiel est « entreposage », mais on peut le qualifier de stockage de déchets nucléaires, dans la mesure où les combustibles Mox usés qui y seront placés n’auront aucune utilisation ultérieure.

L’accident de piscine, encore pire qu’un accident de réacteur

L’entreposage en piscine de matières radioactives est risqué. En effet, les assemblages doivent être refroidis en permanence sous plusieurs mètres d’eau, sous peine de s’échauffer et de rejeter d’énormes quantités de matières radioactives dans l’atmosphère. En 2011, après l’accident de Fukushima, les observateurs avaient retenu leur souffle quand la piscine d’entreposage du réacteur numéro 4 menaça de perdre son eau : « Si la catastrophe s’était produite, il aurait fallu évacuer toute la population dans un rayon de 250 kilomètres, soit quasiment jusqu’à Tokyo ! » rappelle Yves Marignac, consultant international et directeur de WISE-Paris.

L’hypothèse d’un accident grave sur une piscine n’a rien de saugrenu. (...)

L’entreposage durera très longtemps : le Mox n’est pas retraité. Le coût de son retraitement serait en effet très élevé, et ni EDF ni Orano (ex Areva) n’ont une situation financière permettant de se lancer dans cette opération industrielle, d’un intérêt au demeurant très discutable. Le Mox usé est donc un déchet radioactif pour des milliers d’années.

Si le projet de « piscine d’entreposage centralisé » est dans toutes les conversations de couloir à l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), les experts de la filière préfèrent garder sa localisation secrète. Officiellement, l’IRSN a indiqué à Reporterre qu’il ne communiquait pas sur un dossier en cours d’instruction. De son côté, EDF a affirmé à Reporterre dans un courriel que « plusieurs sites sont actuellement à l’étude pour l’implantation de ce projet, aucune décision n’est prise pour le moment ». Précision dans un courriel ultérieur : le groupe n’a pas « confirmé ni infirmé à ce stade » l’installation de la future piscine à Belleville, « aucune décision n’ayant été prise pour le moment ».

La localisation du nouveau centre de déchets nucléaires n’a pas été inscrite dans le dossier d’options de sûreté remis à l’ASN et EDF ne compte pas la dévoiler avant la fin de l’année, selon une source proche du dossier. Nous avons contacté tous les élus des collectivités locales où se trouve la centrale — mairie de Belleville-sur-Loire, conseil départemental du Cher, conseil régional du Centre-Val de Loire, députés et sénateurs, ainsi que la Commission locale d’information (Cli) de Belleville. Personne n’a répondu, à l’exception de François Cormier-Bouligeon, député (La République en marche) de la première circonscription du Cher, qui dit ne pas être au courant du projet.

« C’est l’omerta » (...)

Et ensuite ? Le Conseil national du débat public devrait être saisi pendant ce premier trimestre 2018. EDF devra déposer une demande d’autorisation de création avant le 31 décembre 2020 auprès du ministre chargé de la sûreté nucléaire. La conception et la construction de cette nouvelle piscine devraient prendre quinze ans, selon le PNGMDR 2016-2018.