
Une note du Conseil d’analyse économique (CAE), signée par Philippe Askenazy, Antoine Bozio et Cecilia Garcia-Peñalosa, et intitulée « Dynamique des salaires par temps de crise », vient d’être publiée (n° 5, avril 2013). Elle explique que, depuis la crise, les salaires réels ont eu tendance à augmenter un peu plus vite que la productivité du travail, celle-ci ayant à peu près stagné. Ce serait donc « une cause majeure de la dégradation de l’emploi ». Bigre !
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On voit sur le graphique que, depuis le milieu de la décennie 2000, les salaires continuent de progresser, tandis que la productivité du travail diminue malgré une courte embellie. La cause paraît donc entendue. Et la conclusion, ou plutôt les conclusions s’imposent : accorder davantage de dérogations par rapport aux accords de branches, diminuer l’insatisfaction des travailleurs pour leur faire accepter une baisse des salaires, et fiscaliser le financement de la protection sociale. La touche finale à ce programme quasi libéral sera keynésienne : un peu d’inflation arrangerait bien les choses en contournant la rigidité des salaires à la baisse.On ne va pas persifler ici trop longtemps car l’affaire ne souffre pas la plaisanterie : l’explosion du chômage menace de faire exploser la société et l’incurie gouvernementale risque de délégitimer le politique en lui-même.
On va simplement parler de la grande absente de cette étude, de la plupart des études, mais pas de toutes, heureusement encore. (...)
Lors d’un séminaire organisé cette semaine à Bruxelles par des syndicats belges, portant sur les réformes bancaires, auquel étaient conviés politiques et syndicalistes européens et des économistes, on a entendu le représentant de l’un des syndicats ayant signé en France l’accord nationale interprofessionnel sur l’emploi (ANI) dérégulant le marché du travail s’opposer à la séparation des banques. Cela ne peut signifier qu’une adhésion implicite au maintien d’une finance dérégulée. Et cela est cohérent avec la flexibilité exigée par le Medef et que lui ont accordée certains syndicats et le gouvernement français.
La préférence pour la dérégulation est la mère de toutes les dynamiques des dividendes et de la dégradation de l’emploi. Au lieu de voir dans la flexibilité des salaires le remède miracle pour diminuer le chômage, il vaudrait mieux se pencher sur l’évolution de la répartition primaire des revenus entre salaires et profits. On pourra ainsi mesurer ce que coûte le capital à la société.