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Discours de Zoe Konstantopulou contre le 3e mémorandum le 14 août 2015 « Messieurs du gouvernement, vous n’avez pas le droit de placer sur les épaules du pays un nouvel emprunt, en acceptant le paiement d’une dette illégale. »
Article mis en ligne le 26 août 2015

(...) Dans un vacarme indescriptible produit par des invectives et des insultes lancées par les députés des partis de droite qui cherchaient à la déstabiliser, Zoe Konstantopoulou a tenu un discours d’une grande portée. Accueilli par un silence glacial des dirigeants de son propre parti Syriza, le discours de Zoe Konstantopoulou a marqué la rupture avec Alexis Tsipras et son gouvernement. Il a surtout donné un fondement supplémentaire et très solide à celles et ceux qui résistent aux diktats des créanciers et à la capitulation.

(...) Mesdames et messieurs les députés, chers collègues, nous sommes non pas ce que nous disons, mais ce que nous faisons.

Nous sommes chaque mot de la Constitution, s’il ne nous passe pas par la tête de violer les plus sacrées des garanties constitutionnelles protégeant la démocratie, la liberté, la dignité, les droits, le fonctionnement parlementaire, l’indépendance nationale, la souveraineté populaire.

Nous sommes les défenseurs de la démocratie du peuple, de la société et de la souveraineté populaire et du principe selon lequel tout pouvoir tire sa source du peuple et s’exerce pour le peuple, comme le prévoit la Constitution, si ce pouvoir que nous avons reçu du peuple, nous le lui rendons, et si nous honorons le verdict populaire tel qu’il s’est exprimé avec 37 % de la confiance au programme social anti-mémorandum du SYRIZA, mais aussi avec le monumental 61,3 % du NON aux chantages et aux mémorandums lors du référendum du 5 juillet.

« Nous serons originaux », a déclaré le Premier Ministre, et il a empli de sentiments de joie, d’élévation et de dignité chacune et chacun de nous, et il a gonflé les voiles de l’espoir pour les jeunes générations. Nous faisons preuve d’originalité, si nous restons effectivement cohérents, après les élections, avec tout ce que nous avons dit pendant la campagne et non si, petit à petit, ou au contraire avec une rapidité déconcertante, nous nous muons en défenseurs de tout ce que nous avons combattu avec constance depuis des années.

Il n’y a rien d’original, pour un gouvernement, à ramener des mémorandums en soutenant que c’est là la seule et unique voie de salut pour le pays ; cela, tous les gouvernants précédents l’ont déjà fait. (...)

Et malheureusement, nous n’avons pas fait preuve d’originalité avec cette dernière tactique, pas originale du tout, mais la plus vulgaire de toutes. Adoptée désormais ouvertement, elle le fut d’abord à mots couverts et sournoisement, puis par la suite, sans vergogne, et elle a atteint son paroxysme avec l’attaque dirigée directement contre tous ceux, parmi les députés du Syriza, qui persistent à défendre nos positions, inscrites dans notre programme, nos engagements communs, nos principes communs et nos annonces de campagne, par leur diabolisation en tant que collaborateurs de Schaüble ou que braqueurs de banques.

Ce qui est véritablement original, pour toute l’Europe, c’est de voir le premier gouvernement de gauche – avec pour colonne vertébrale un parti de gauche -, sorti vainqueur des élections avec pour mandat de débarrasser le pays des mémorandums, remettre le mandat populaire dans les mains de la Troïka, avec les clefs du pays et du Parlement, les biens et richesses nationaux et la souveraineté nationale, et s’efforcer en même temps d’éliminer, comme de vulgaires obstacles ou des poids morts, les ministres, représentants parlementaires, membres de la Présidence du Parlement, présidents de commissions du parlement qui tentent d’empêcher cela.

Mesdames et messieurs les députés, camarades du Syriza, il ne vous suffit pas de dire « nous n’adoptons pas le mémorandum », quand vous adoptez, soutenez et votez la suppression des tous derniers remparts garantissant le fonctionnement parlementaire, et la façon dont cela s’est fait, ces derniers jours, fut vraiment terrifiante
(...)

Il ne vous suffit pas de dire que le SYRIZA a des principes, il ne vous suffit pas de dire que le Syriza a des principes, des organes, des procédures quand, sans décision d’aucun des organes du SYRIZA, et au mépris de toutes les décisions des organes collections, des députés, rapporteurs, représentants parlementaires du SYRIZA se présentent et prennent position au nom du parti de façon absolument contraire à nos positions collégialement définies, et il ne suffit aucunement que cela corresponde à la volonté du gouvernement car notre parti, le SYRIZA, a des positions claires sur les relations entre parti, groupe parlementaire, gouvernement, sur les rapports entre gouvernement et Parlement, etc. et sur le rôle de garant que remplissent les organes dans le contrôle du pouvoir. (...)

Mesdames et messieurs les députés, nous sommes non pas ce que nous disons, mais ce que nous faisons. Et aujourd’hui je veux être ce que je crois être le plus apte à faire, peut-être parce que c’est ce à quoi j’ai choisi de consacrer ma vie : la défense, des êtres victimes d’attaques, d’injustices, de ceux dont l’existence même, les droits, la dignité ou la liberté sont menacés ; la défense de principes et de valeurs quand ceux-ci sont bafoués, la défense de la vérité quand elle est écornée et déformée, la défense de mes camarades quand ils subissent des attaques cannibales (...)

Aujourd’hui, je ne défendrai plus le Premier Ministre, car il m’a lui-même convaincue que je dois cesser de le faire, lorsqu’il a qualifié publiquement de « surréaliste », c’est-à-dire d’une forme de fantasme, de folie, de quelque chose de cet acabit, comme le soutiennent certaines publications, le fait que j’affirme le soutenir tout en refusant de voter ce que lui-même a été contraint de signer par le chantage. Il a ajouté qu’il n’est pas un gamin et qu’il dispose d’autres moyens de défense.

Bien sûr, le Premier Ministre a mésestimé le fait que, en soutenant sa personne, je ne soutiens pas seulement le camarade et l’ami cher, le chef du parti auquel j’appartiens, mais aussi le Premier Ministre du pays et le capital politique du premier Premier Ministre de gauche, du plus jeune aussi, un capital politique dont je pensais et pense encore qu’il n’avait personnellement aucun droit de le réduire à néant, car ce capital politique représente les attentes et l’espoir d’un peuple tout entier pour quelque chose de différent, pour une lueur, pour le progrès, la cohérence, la dignité.

Je suis meurtrie et attristée par le choix d’Alexis Tsipras d’ajouter son nom à la liste des premiers ministres des mémorandums, par son choix de laisser jeter en pâture aux chiens ceux de ses camarades qui ont exprimé leur désaccord avec lui, son choix de ne pas accepter d’être soutenu par la Présidente du Parlement à qui il avait personnellement accordé sa confiance, en pleine connaissance de ce que je fais et dis, et du fait que je ferais preuve d’originalité en respectant tout ce que j’avais déclaré avant les élections, chose que j’ai toujours cru qu’il le ferait lui-même, et d’accepter le soutien –comme ils prétendent le soutenir- depuis si longtemps, depuis de si longs mois, mais de façon particulièrement intense ces dernières semaines, des représentants du plus ancien, du plus corrompu des régimes collusifs, mais aussi des nouvelles recrues des aspirants à la collusion (...)

Messieurs du gouvernement, vous n’avez pas le droit - et c’est la dernière occasion pour vous d’endosser cette responsabilité - de placer sur les épaules du pays un nouvel emprunt, en acceptant le paiement d’une dette illégale. Le Premier Ministre de Grèce, au lendemain du chantage, nous a demandé, à nous tous qui croyions qu’il existait des alternatives, de lui soumettre des propositions. Un mois s’est écoulé depuis lors. J’avais alors déclaré clairement que je croyais qu’il existait des alternatives. J’avais dit, alors, que le Parlement avait créé des alternatives : il a créé la Commission de Vérité sur la Dette Publique qui effectue un audit de la dette, obligation de tout pays placé sous mémorandum, conformément au règlement 472 en vertu duquel le présent projet de loi est introduit. Et personne n’a daigné me dire pour quelle raison l’avis de cette Commission, qui aboutit à la conclusion que cette dette est illégale, odieuse, et insoutenable n’a pas été placé au premier plan, n’est pas devenu la bannière de la revendication du gouvernement. Personne ne m’a expliqué pourquoi, alors que l’avis de la commission et le fonctionnement même de cette commission sont salués par les organes compétents de l’ONU, le gouvernement fait comme si tout cela n’existait pas. Personne ne m’a répondu, pour quelle raison, alors qu’il est fait mention de cet avis dans le rapport récent de la Commission Nationale des Droits de l’Homme, qui souligne que le peuple grec ne peut supporter encore d’autres mesures d’austérité qui constituent une violation des droits de l’homme, on ne le mentionne même pas, on ne s’y réfère nulle part. Personne ne m’a expliqué pour quelle raison, alors que depuis le 25 juin, la Conférence des Présidents, sur requête de 55 députés du Syriza, a décidé de débattre de cet avis en assemblée plénière, discussion qui permettrait d’ouvrir un nouveau débat au niveau international – nous avons de très nombreux alliés dans le monde entier – cela constituerait en soi un évènement mobilisateur de forces pour le soutien du gouvernement en vue d’une meilleure solution que cette abomination, personne ne m’a répondu pour quelle raison, jusqu’à aujourd’hui, le gouvernement n’a pas demandé, n’a pas suggéré une date de débats (...)

je ne veux pas croire ce que j’ai entendu de la propre voix du ministre, à savoir que nous ne parlons finalement plus de chantage, mais de décision stratégique du gouvernement et d’un véritable choix.

Mesdames et messieurs les députés, chers collègues, il s’agit bien ici du Troisième Mémorandum, ce que nous ne sommes en rien habilités à voter, et quiconque vote pour cela sait pertinemment, pour toutes les raisons que je vous ai exposées, pour toutes nos références mais surtout pour toute sa relation vécue avec les mouvements de revendication de protection des biens publics, Skouries, Elliniko, les aéroports qui sont bradés, a fortiori irrévocablement, les organismes portuaires, et chaque beauté, chaque coin de notre terre, avec la DEH, l’ADMIE, chacune et chacun de nous sait pertinemment pourquoi nous n’avons pas le droit de voter ce mémorandum. Mesdames et messieurs les députés, le jour se levant, j’aimerais que nous puissions tous dire qu’il ne s’agissait que d’un cauchemar, que nous nous sommes réveillés et que rien de tout ce que nous avons vécu de si traumatisant et douloureux n’était réel. Malheureusement, il n’en va pas ainsi. Mais cela nous intime l’obligation de nous battre, non pas pour donner raison au(x) cauchemar(s), mais pour ce pour quoi, à travers le temps, nous nous sommes toujours battus : pour que les rêves prennent leur revanche.