
Depuis le 28 septembre, le décès de Pierre Dubois a déjà provoqué au Chili un « rejeu de faille mémorielle » ; en témoigne son intense traitement médiatique, et sa valorisation par les mouvements sociaux chiliens. En France, quelques semaines après la publication du libre de Denis Pelletier et de Jean-Louis Schlegel, À la gauche du Christ, et à quelques jours des 50 ans de l’ouverture du Concile Vatican II, l’événement s’insère dans une chronologie qui devrait également amplifier sa dimension politique, tout comme la publication le 19 octobre prochain (Karthala, collection signe des temps) d’un livre retraçant son engagement en tant que prêtre au service des travailleurs chiliens.
(...) Engagé au Chili aux côtés de la classe ouvrière, il vit tout d’abord parmi les mineurs de charbon de la région de Coronel (500 km au sud de Santiago). Il dénonce le système à l’origine des fortes inégalités dont il est témoin. Il confie quelques années plus tard : "lorsqu’un homme marche sur un clou, il peut toujours essayer de soigner sa blessure. Mais s’il ne retire pas d’abord le clou cela est inutile". Convaincu de la nécessité de la nécessité de "représenter le Christ" parmi les pauvres, il accueille avec enthousiasme les conclusions de la 2e Conférence épiscopale latino-américaine de Medellín en 1968 laquelle proclame notamment une "option préférentielle pour les Pauvres", très vite reprise sous le nom de Théologie de la libération. Sans jamais s’engager dans un parti politique, il accompagne cependant à la base les politiques lancées par le gouvernement de l’Unité Populaire de Salvador Allende. (...)
Dans le contexte politique et social actuel chilien, sa mort provoque un incroyable « rejeu de faille mémorielle ». Depuis vendredi, les chiliens viennent saluer une dernière fois Pierre dans la petite église de La Victoria. Certains évoquent un véritable "deuil populaire", un exemple dont doivent s’inspirer tous ceux qui réclament la "Justice", et la liquidation de l’héritage des années Pinochet.
Ils seront aujourd’hui des milliers dans les rues, accompagnant Pierre pour un dernier voyage de La Victoria jusqu’à la Cathédrale : ce même parcours qu’il avait effectué en septembre 1984, en portant le cercueil de son ami et collègue André Jarlan.