
Depuis l’arrestation de Mohamed Mehra, les coups de filet dans les milieux islamistes succèdent aux « opérations coups de poing » et
autres démonstrations de force policières. En plaçant délibérément le thème de la sécurité sur le devant de la scène politique, Nicolas
Sarkozy abat ses dernières cartes : face à la violence d’un terrorisme latent ou présumé, ce président, fragilisé par les scandales et
décrédibilisé par son bilan calamiteux, représente encore, pour quelques semaines, la force légitime du pouvoir et c’est son seul atout.
Ah, si ces quelques semaines pouvaient être remplies de religieux barbus et de gendarmes en action !
Ah, si les ondes pouvaient répandre la crainte et porter vers des esprits apeurés les paroles fortes et pleines de détermination du chef ! Ah, si l’on pouvait distraire, détourner les électeurs de leurs préoccupations quotidiennes, si l’on pouvait leur faire oublier la dégradation sociale et l’injustice de ces cinq longues années par quelques images guerrières ! . . . Il s’agit bien ici de s’agiter et de montrer sa force pour cacher son impuissance, masquer ses insuffisances et tenter de faire taire les critiques et les doutes quand nos services de sécurité, pourtant si prompts à terroriser toute action voire toute pensée contestataire comme l’a démontré la pitoyable affaire du groupe de Tarnac, apparaissent finalement particulièrement défaillants et désorganisés (le mot est même faible) dès lors qu’il s’agit de prévenir de vrais actes terroristes.
Mais toutes ces gesticulations dérisoires, toutes ces nouvelles promesses ne trompent plus que les militants irréductibles de l’UMP et
quelques éternels naïfs. Selon toute vraisemblance, Nicolas Sarkozy ne sera pas réélu et ce quinquennat lamentable, cette mauvaise farce, va pouvoir s’achever. Il appartiendra au futur Président de rompre définitivement avec un système qui aura marqué de son empreinte le
fonctionnement de nos institutions et perverti leur fonctionnement. Dans le domaine de la police et de la justice notamment, la pression
de la hiérarchie et la culture débile du rendement, aux antipodes des vraies exigences républicaines, détournent chaque jour des agents de
l’Etat de leur mission essentielle qui est de garantir l’ordre et la sécurité dans le respect des libertés publiques. Aujourd’hui, la police et la
justice apparaissent plus enclines à réprimer les petits voyous et les manifestations de rue qu’à s’attaquer véritablement - faute sans doute
de moyens - à la grande délinquance organisée et notamment à la délinquance financière. Ces dernières années, les violences policières à
l’encontre de manifestants ou de personnes ayant commis de petites infractions se sont multipliées et, malheureusement, ces agissements
ont été le plus souvent couverts par la hiérarchie et les syndicats de police qui protègent les agents incriminés dans un réflexe corporatiste
de mauvais aloi. L’usage du flash-ball illustre cette dérive et le dévoiement intervenu dans le maintien de l’ordre public sous l’actuel
gouvernement. Introduit en 1995 sous Lionel Jospin, Claude Guéant (déjà lui !) étant à l’époque directeur général de la police nationale,
le flash-ball ne devait être utilisé à l’origine qu’exceptionnellement par les policiers. En quinze ans, son usage s’est banalisé et l’arme sert
désormais « à toutes les unités confrontées à des phénomènes de violence ». Dans bien des cas, cela aboutit à un usage totalement
disproportionné de la force et à des drames intolérables. Le recours abusif ou intempestif à cette arme, réputée « non-létale » mais au
sujet de laquelle le manuel d’emploi de la police évoque « des risques de lésion qui peuvent être très importants et irréversibles » devrait
être sévèrement sanctionné.
Malheureusement, l’acquittement par le tribunal de Nantes mardi dernier du policier accusé d’avoir éborgné Pierre ( lycéen à l’époque
des faits) par un tir de flash-ball lors d’une manifestation contre la loi Pécresse de réforme des universités, en novembre 2007, démontre
clairement que des juges préfèrent encore l’injustice et le déshonneur au « désordre » représenté par la condamnation de policiers. Les
attendus du jugement sont aussi inquiétants puisque le tribunal s’est notamment appuyé pour motiver sa décision sur un article du code
pénal qui stipule que "n’est pas pénalement responsable la personne qui accomplit un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet
acte est manifestement illégal". Le totalitarisme est décidément à notre porte. . . La gauche qui a permis que la police française soit dotée du flash-ball devra, si elle gouverne demain, revenir sur cette décision et prononcer l’interdiction définitive de cette arme et d’autres tout aussi dangereuses comme le Taser ; il s’agit là d’un enjeu démocratique car les citoyens doivent pouvoir manifester sans être à la merci d’excités ou d’agents insuffisamment formés ! Et « les forces de l’ordre » devront aussi se recentrer sur leurs missions essentielles qui
englobent en particulier une prévention efficace de la délinquance et du terrorisme.
Liste ( non exhaustive) de victimes de tirs de flah-ball
Juillet 2005 : Aux Mureaux, ( 78) un adolescent de 14 ans touché par un tir de flash-ball perd un œil
Octobre 2006 : A Clichy-sous-Bois, un jeune de 16 ans touché au flash-ball perd un œil.
Novembre 2007 : A Nantes, un lycéen manifestant contre la réforme Pécresse est visé à la tête et frappé par un flash-ball. Il perd l’œil droit
Mars 2009 : A Toulouse, un étudiant de 25 ans est touché par un tir de flash-ball et perd son œil.
Mai 2009 : un jeune, à Neuilly-sur-Marne, perd également son œil à la suite d’un tir de flash- ball.
Juillet 2009 : A Montreuil, lors d’une manifestation, Joachim est touché au visage par un tir de flash ball, il perd un œil.
Octobre 2010 : un lycéen de Montreuil est touché par un tir de flash ball au visage, il perd un œil.
Décembre 2010 : Mostefa Ziani, résident d’un foyer de Marseille,décède après avoir été victime d’un arrêt cardiaque dû a un
tir de flash-ball d’un policier.