
Juillet déjà. Le blog dans ses habits d’été ! Euphémismes. Les marionnettes politiques, et d’abord Alexis Tsipras (“Gauche”) et Kyriákos Mitsotakis (“Droite”) “se sont violement affrontés verbalement” au sein du “Parlement”, d’après la presse... dans l’indifférence très générale. Ou sinon, comme l’écrivait Yórgos Seféris, poète d’abord et diplomate ensuite : “Avec des désirs qui jouaient comme les grands poissons dans les mers qui soudain se retirent (...) Le petit état de Commagène ; qui s’est éteint comme la faible veilleuse.” (“Journal - B”, 1944).
Les contractuels au ramassage des ordures ont repris le travail mettant fin à leur grève. Seulement... Daniela Prelorenzou, employée au contrat précaire transformé en CDI il y a peu, âgée de 62 ans et mère d’un enfant handicapé ; elle a été littéralement et définitivement tuée à la tâche. Accident cardiaque sous peine d’un double service durant la même journée accablante. Ramasser les ordures d’Athènes sous les 44 degrés Celsius, c’était à la fin de la semaine dernière (presse grecque du 30 juin 2017) . Le blog... ainsi désemparé... et pourtant dans ses habits d’été, rend ainsi hommage à Daniela, comme à chaque Daniela ! Modernité, cruauté, mœurs relâchés. Été grec, dit celui des vacanciers (...)
“Moments tragiques. Depuis un an, les moments tragiques se succèdent et se répètent à un point tel, qu’il ne vaut plus la peine de les mentionner. C’est comme perdre son temps avec les choses inutiles. Cette guerre (guerre initiée sous couvert d’une situation de soi-disant temps de paix), est alors caractérisée par ceci : Une force du mal a trouvé moyen d’humilier, de broyer, et d’annihiler, tout un monde. Elle ainsi fait remonter à la surface toute cette piètre matière, intérieure chez les hommes, à savoir, l’égoïsme, la lâcheté, la bassesse, la malveillance, pour nous faire croire qu’il s’agit là... des aptitudes fondamentales des gens qui gouvernent ce monde.”
“Cette force du mal détient l’apparence d’une bête mécanique parfaite, tout à fait irresponsable, parce que l’homme et l’humanité n’interviennent pas dans son système.” (...)
Nous vivons certainement à une époque de somnambulisme généralisé. Au moment où Daniela Prelorenzou, ou encore mes cousins Kóstas et Sotíris à l’image mortuaire de milliers d’autres Grecs n’ont pas survécu à la nouvelle situation du pays colonisé, une autre (?) partie de la population somnambule et se passionne pour le dit “grand jeu télévisuel Survivor” dont la “finale” avait été organisée dans un parc d’Athènes mercredi 5 juillet.
De “l’affluence fort remarquable” d’après une certaine presse , enfants si précocement nécrosées de tout esprit critique aux parents cliniquement morts de tout esprit tout court depuis longtemps. Gagnants comme surtout perdants, auront de ces gestes stéréotypés, sans contenu.
Sans contenu également et c’est bien dommage, ce monument récemment érigé à la mémoire des employés de la radiotélévision publique ERT, décédés durant les 18 mois de sa fermeture complète, infligée par le funeste gouvernement d’Antonis Samaras, monument érigé devant le bâtiment central de l’ERT dans le quartier athénien d’Agía Paraskeví. (...)
Les trépassés de l’ERT entreront certes de plein droit dans la mémoire des disparus de la dite “crise grecque”, sauf qu’ils ne sont pas les seuls, et que tous les autres, demeurent à l’heure actuelle volontairement oubliés par le funeste gouvernement d’Alexis Tsipras. Pis encore, contrairement aux aspirations (réelles ou pas) du temps de la lutte pour la réouverture de l’ERT, la radiotélévision publique rétablie à la SYRIZA, elle est hélas redevenue ce qu’elle a toujours été. Un lieu d’abord hyper népotiste, servant en exclusivité les intérêts essentiellement privés, du, ou des partis au pouvoir comme de leurs castes. Ensuite, ERT poursuit dans une manière d’aborder les sujets d’actualité sous le seul prisme de la propagande gouvernementale, de surcroît européiste donc pas de changement démocratique non plus. Maigre, très maigre consolation, son Troisième Programme radiophonique, culturel et musical, notre ultime caverne pour certains d’entre nous il faut dire.
C’est ainsi que les autres médias comme tous ceux... qui sont punis et qui ne sont pas de l’ERT, ont forcement ironisé à propos de l’événement. Il a été rappelé à juste titre qu’il y a tant d’autres morts (suicides, maladies, manque de soins, surmortalité liée au stress générée par les dérèglements austéritaires, en réalité dérèglements sociaux, économiques et symboliques imposés), morts ainsi volontairement oubliés par les Syrizistes, car morts gênants, n’appartenant visiblement pas à sa clientèle politique.
Quand le moment du réveil arrivera pour nous, rien ne sera laissé en place. C’est déjà bien naturel car le lien social en Grèce est suffisamment disloqué. Pour la très petite histoire, j’ai été contacté en 2014 par une commission scientifique naissante, syrizocompatible et bénévole ; dont le but aurait été d’étudier le phénomène des suicides en Grèce “sous la crise”, et plus amplement la mortalité qui lui serait liée. (...)
Nous vivons de toute évidence à une époque de somnambulisme généralisé, d’écœurement également. “Je ne suis plus l’actualité, c’est une vraie fosse septique, elle nous empoisonne le peu qu’il nous reste... de dignité... basta. C’est comme perdre son temps avec les choses inutiles”, témoigne alors mon ami Yórgos de l’île de Chios, joint au téléphone. Des épaves brisées de voyages inachevés, des pays qui ne savent plus comment aimer.
“La mer qui nous navra est vaste et insondée, elle déroule un calme infini” (Yorgos Seféris, “Légende”, 1933-1934, trad. Lévesque).