
L’espace d’un après-midi, la louve de Rome s’est métamorphosée en sardine. Samedi après-midi, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont convergé avec l’emblème de ce petit poisson sur la place Saint-Jean-de-Latran, lieu traditionnel des grands rassemblements de la gauche italienne occupé il y a deux mois par le leader de la Ligue Matteo Salvini.
Cette fois, il s’agit au contraire de dire non à l’extrême droite, à la politique de l’insulte et à la propagation de la haine. Au rythme de Bella Ciao, le chant des partisans, ainsi que de l’hymne italien pour rappeler que celui-ci n’appartient pas seulement aux souverainistes, les orateurs de ce mouvement civique ont lu des extraits de la Constitution italienne née de l’antifascisme. (...)
« Il est temps de se mobiliser, on ne peut plus sous-estimer le danger de l’extrême droite, s’indignait au milieu de la foule couverte de sardines, Emanuela, mère de famille au chômage et électrice déçue du parti démocrate. La gauche ne donne pas de réponses à la crise sociale, alors évidemment les populistes en profitent. Mais c’est trop facile de faire porter la culpabilité sur les immigrés comme le fait Salvini. »
Flash mob à Bologne
C’est la présence de ce dernier à Bologne, le 14 novembre, qui a provoqué l’émergence de cette réaction citoyenne. En vue des élections régionales d’Emilie-Romagne qui se tiendront le 26 janvier, l’ancien ministre de l’Intérieur avait ce jour-là convoqué un grand rassemblement public devant 5 000 personnes.
Quatre trentenaires de la ville ont alors proposé à leurs concitoyens de descendre dans la rue pour protester contre la mobilisation souverainiste. La simple invitation à une flash-mob sur la place centrale de Bologne relayée diffusé et relayée par les réseaux sociaux s’est transformée en marée.
Près de 15 000 personnes se sont retrouvées ce jour-là serrées « comme des sardines », le petit poisson devenant le symbole de cette mobilisation citoyenne, sans drapeaux et sans le moindre emblème partisan. (...)
Depuis le 14 novembre, la mobilisation a fait tache d’huile dans toute la péninsule alors que l’extrême droite italienne qui réunit la Ligue de Matteo Salvini et les post-fascistes de Fratelli est de manière constante depuis plusieurs mois créditée de plus de 40% dans les sondages.
A l’appel de petits groupes spontanés de jeunes sur les réseaux sociaux des rassemblements ont été organisés en seulement un mois dans 80 villes du pays (Naples, Milan, Turin, Palerme, Florence…) auxquelles auraient déjà participé plus de 300 000 personnes. (...)
La gauche italienne, en plein désarroi après les dernières défaites électorales, l’avancée de Matteo Salvini et ses divisions internes, observe avec bienveillance le réveil civique impulsé par les sardines. (...)
Giuseppe Conte, le chef du gouvernement porté au pouvoir par les Cinq Etoiles a fait part vendredi de son intérêt pour le mouvement : « Les sardines suscitent beaucoup de sympathie. Si elles le souhaitent, elles trouveront un président du Conseil très disponible pour les rencontrer. » « Oui, mais pas maintenant, a répondu le pilier des sardines Mattia Santori. Nous travaillons encore sur l’organisation des mobilisations de rue. »
Pour l’heure, celui-ci a aussi écarté l’hypothèse d’une transformation en parti politique même si selon un récent sondage, une liste des sardines pourrait séduire jusqu’à 20% de l’électorat. Une réunion de tous les promoteurs locaux est prévue dans une trattoria ce dimanche à Rome pour définir les suites à donner au mouvement. (...)
« Une chose est sûre, notait Lorenzo, étudiant en architecture, si Matteo Salvini devait revenir au pouvoir, la mobilisation de sardines montre qu’il devra compter avec nous et notre farouche détermination. »