Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Basta !
Des dizaines de milliers de réfugiés errent, dans l’hiver glacial, sur la « route des Balkans »
Article mis en ligne le 1er février 2017

Pendant qu’aux Etats-Unis, Donald Trump subit l’opprobre international après avoir fermé les frontières aux ressortissants de sept pays du Moyen-Orient et d’Afrique, aux frontières de l’Europe, des dizaines de milliers de réfugiés errent toujours le long de la « route des Balkans », de la Grèce à la Croatie. Certains continuent à arriver de Turquie, d’autres sont renvoyés d’Autriche ou brutalisés par des milices xénophobes en Hongrie ou Bulgarie. Beaucoup tournent en rond depuis des mois, d’une frontière fermée à l’autre. Basta ! fait le point sur les obstacles rencontrés par les exilés, mais aussi sur les solidarités qui continuent à s’exprimer. Alors que la Turquie s’apprête à libérer un nouveau flot d’exilés.

Le soir de la Saint-Sylvestre, de véritables scènes de ratonnade ont éclaté dans la banlieue de Zagreb, en Croatie. Des réfugiés sont agressés par des hommes masqués dans les autobus qui les ramènent du centre de la capitale croate vers un hôtel d’une banlieue éloignée, transformé depuis près d’un an en Centre d’accueil et d’hébergement. Ces violences sont commises sous les yeux de la police, qui n’aurait pas réagi. Pire, selon le témoignage des réfugiés, les policiers auraient refusé de conduire certains blessés aux urgences. Les victimes venaient d’Irak, d’Afghanistan ou du Pakistan. La plupart avaient été expulsés d’Autriche. (...)

En Croatie et Slovénie, expulsion automatique

Une fois reconduits en Croatie, certains y demandent effectivement l’asile. Nombreux sont ceux qui tentent de reprendre leur voyage, en s’en remettant aux réseaux de passeurs : de nouvelles routes apparaissent sans cesse, entre l’Istrie – péninsule croate au nord du pays, et la région de Trieste, en Italie, à quelques kilomètres. Alors que les frontières de la Hongrie sont toujours hermétiquement closes, la Slovénie parle d’étendre le grillage qu’elle avait commencé à ériger, à l’automne 2015, sur les frontières qu’elle partage avec la Croatie. Le Parlement slovène s’apprête à adopter une nouvelle loi sur les étrangers, qui permettra l’expulsion automatique de réfugiés sans le moindre examen de leur dossier, à partir du moment où ils seront entrés illégalement sur le territoire slovène, y comptis à partir d’un autre pays de l’UE. (...)

Craignant de devenir un cul-de-sac si les frontières de la Slovénie et de la Hongrie restent fermées, la Croatie s’affranchit désormais des règles internationales du droit d’asile. Selon un rapport récent du Jesuit Refugee Service, Zagreb procède déjà à des expulsions hors de tout cadre légal vers la Serbie.
En Serbie, situation tragique avec l’arrivée des grands froids

À Belgrade, en Serbie, ils sont plusieurs milliers à survivre dans des conditions dramatiques, principalement des hommes et des mineurs, dans les anciens entrepôts de la compagnie des chemins de fer promis à une destruction prochaine. Le gouvernement serbe souhaite construire à cet endroit un luxueux complexe immobilier, Belgrade Waterfront, financé par les Émirats arabes unis, et décourage les volontaires qui distribuent des couvertures ou de la nourriture chaude. Le Commissaire serbe aux réfugiés et à la migration a prévenu : « L’aide aux migrants doit cesser. »

Pour Médecins sans frontières (MSF), la situation était déjà hors de contrôle depuis l’automne. Elle est devenue tragique avec l’arrivée des grands froids, début janvier, et des températures frisant chaque nuit la barre des -20°C. Les réfugiés, qui ne peuvent allumer que des petits feux de camp pour tenter de se réchauffer, sont massivement frappés par la grippe, épidémique dans tout le pays. « Le gouvernement n’a prévu aucune solution tenable pour l’hiver », s’indigne le coordinateur régional de l’ONG, Stéphane Moissaing. « Il est incapable de faire face à l’urgence humanitaire. »
Milices violentes aux frontières de la Hongrie (...)

Avec les grands froids, toutes les tentatives de passage clandestin vers la Hongrie sont momentanément suspendues. Depuis la fermeture de la frontière, il y a un an, ils ont pourtant été nombreux à tenter l’aventure, malgré la brutalité de la répression. Les rapports des ONG font état de refoulements violents de la police de Budapest et des milices qui patrouillent derrière les barbelés. Coupures, morsures de chiens, usage de bombes lacrymogènes ou de pistolets à impulsion électrique, confiscation ou destruction des téléphones portables, les photos des violences circulent sur les réseaux sociaux sans pour autant décourager ceux qui campent dans les usines désaffectées de la capitale serbe. La seule voie légale pour entrer dans l’UE est celle des deux « zones de transit » de Röszke et de Kelebija, en Hongrie, où 30 personnes sont théoriquement autorisées chaque jour à passer, priorité étant donnée aux familles. (...)

En 2015, un vaste réseau de preneurs d’otages avait été démantelé dans les villages de Lojane et Vaksince, coincés dans la montagne à quelques centaines de mètres de la Serbie. Les réfugiés qui tombaient entre leurs griffes devaient payer de lourdes rançons pour retrouver la liberté. Depuis, le trafic se fait moins visible mais chaque nuit, ils sont encore nombreux à s’enfoncer dans les forêts pour tenter de déjouer la vigilance des gardes-frontières déployés par Belgrade. (...)

En Bulgarie, la chasse aux migrants

« Les étrangers, dehors ! » Rassemblée devant le camp d’Harmanli, tout près de la frontière avec la Turquie, la foule s’indigne de la présence de 3500 réfugiés dans cette ville de 10 000 âmes. Depuis des mois, les manifestations anti-réfugiés se multiplient en Bulgarie. (...)

La Grèce, zone de rétention à ciel ouvert

Selon les estimations du gouvernement, plus de 62 000 réfugiés seraient toujours bloqués en Grèce, même si la nasse se vide épisodiquement, au gré des passages illégaux vers le nord, et du programme de « relocalisation » mis en place par la Commission européenne fin septembre 2015. Face à l’affluence, les procédures avancent lentement : moins de 7000 personnes ont pu être accueillies dans des pays tiers de l’UE et dans les camps érigés à travers le pays.

Des îles proches des côtes turques aux frontières albanaise et macédonienne, l’hiver est arrivé plus vite que les dossiers d’enregistrement n’ont été traités. « Tous les service sont débordés » (...)

Ailleurs, dans les autres camps ouverts au moment de la fermeture de la « route des Balkans » pour désengorger la zone d’Idomeni, seules les toiles des tentes protègent de la pluie, de la neige et des rafales du vent glacial. Partout, la colère ne cesse de monter. Ces derniers jours, lee Haut commissariat aux réfugiés de l’Onu (HCR) a appelé le gouvernement grec à accélérer le déplacement sur le continent des centaines de réfugiés toujours coincés sur les îles de la mer Égée, à Samos, Chios ou Lesbos, elles aussi recouvertes, de manière tout à fait exceptionnelle, par la neige. Malgré les distributions de sacs de couchage, de couvertures et de vêtements chauds, on déplore déjà plusieurs décès. (...)