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Libération
Des directeurs d’école mobilisés contre le projet de loi se font taper sur les doigts
Article mis en ligne le 4 mai 2019

Plusieurs enseignants racontent les sanctions et pressions à peine déguisées à cause de leur mobilisation contre le projet de loi Blanquer, au menu du Sénat mi-mai.

Au micro, ses mots étaient pourtant mesurés. « Partir en guerre, je ne dirais pas ça. C’est plutôt un appel lancé aux citoyens et sénateurs pour qu’ils regardent de près ce projet de loi sur l’école de la confiance. » C’était le 14 mars, de bon matin, sur France Bleu Hérault. Sébastien Rome, directeur d’école et maire adjoint de la petite ville de Lodève, en Occitanie, voulait alerter contre cette mesure, passée inaperçue jusque-là, qui vise à fusionner par endroits une école avec le collège voisin. « Ce qui signifie la suppression du directeur d’école, là où ces établissements des savoirs fondamentaux seront créés. Si le projet de loi est adopté en l’état, c’est la disparition d’un service public de proximité », expose-t-il calmement.
« Retour à la IIIe République »

Mais deux semaines plus tard, Sébastien Rome se retrouve convoqué au rectorat. « Les propos que vous avez tenus n’ont pas été conformes à la nécessaire neutralité liée au statut de fonctionnaire de l’Etat », écrit l’inspecteur d’académie, dans une lettre « d’admonestation ». Officiellement, ce courrier n’est pas une sanction disciplinaire, « mais il y ressemble pourtant fortement. Il est versé au dossier administratif de mon client, ce qui veut dire qu’il sera pris en compte dans les demandes de mutation et évolutions de carrière », réagit l’avocat de l’enseignant, Luc Moreau. Il est scotché par ce dossier qui sort des clous habituels. (...)

L’argumentaire du rectorat ne tient pas la route, poursuit-il. Dans sa lettre, l’inspecteur invoque le devoir de neutralité du fonctionnaire. « C’est vrai, l’agent public ne doit pas faire mention de ses opinions politiques, syndicales, ou de ses croyances. Mais seulement quand il est en service ! L’Etat ne peut pas attendre de ses agents une neutralité dans sa vie privée. »
« Enseignants, ne vous occupez pas des affaires politiques » (...)

Le ministère de l’Education aurait-il donné des consignes pour faire taire la mobilisation ? Sollicité, l’entourage de Jean-Michel Blanquer n’a pas donné suite à notre demande. L’histoire de Sébastien Rome fait écho à d’autres. Des tentatives d’intimidation ou des pressions ressenties qu’expriment, à mots couverts, des enseignants ces dernières semaines. Nous relations le 10 avril des témoignages de profs du secondaire qui se sentent visés par des sanctions déguisées à cause de leur mobilisation contre la réforme du lycée.

Parfois, la pression ressentie prend simplement la forme d’un avertissement verbal (...)

Ces dernières semaines, s’infuse dans les rangs l’idée qu’il est plus sage pour les profs de garder leur clapet fermé. Le fameux article 1 du projet de loi, qui rappelle le devoir d’exemplarité des enseignants, y contribue aussi beaucoup – même si, en termes de droit, cet article ne change rien. (...)