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Attac 33
Des abandons de souveraineté lourds de menaces
Jean-Luc Gasnier
Article mis en ligne le 11 octobre 2013

Dans un article du Monde diplomatique de février 1998 intitulé « Le nouveau manifeste du capitalisme mondial » Lori M. Wallach décrivait en ces termes les négociation menées à l’époque dans le cadre de l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) :

« Il faut remonter aux traités coloniaux les plus léonins pour trouver exposés avec autant d’arrogance dominatrice les droits imprescriptibles du plus fort - ici, les sociétés transnationales - et les obligations draconiennes imposées aux peuples. A tel point que les négociateurs gardent le secret sur un texte, élaboré au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ... »

Quinze années ont passé et nous sommes confrontés à nouveau à une menace similaire avec les tractations entamées entre les USA et l’UE pour parvenir à un accord de libre-échange transatlantique intitulé « Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement »(PTCI ou Transatlantic Trade and Investment Partnership, TTIP).

La similitude des intentions et du procédé est frappante. Comme dans le cadre de l’AMI, les termes de la négociation confiée au commissaire européen Karel de Gucht ne sont pas rendus publics car le document a été classé « restricted » par la Commission européenne. Et il s’agit bien aussi de mettre en place, comme l’écrivait Lori M Wallach, « un traité de commerce autorisant les entreprises multinationales et les investisseurs à poursuivre directement en justice les gouvernements pour obtenir des dommages et intérêts en compensation de toute politique ou action publique qui aurait pour effet de diminuer leurs profits. »

Le processus d’arbitrage du PTCI, l’ISDS (Investor-to-State Dispute Settlement) , prévu en cas de conflit entre les investisseurs privés - en l’occurence les multinationales - et les Etats, reprend les dispositions scandaleuses de l’ORD qui avaient dissuadé à l’époque les gouvernements de signer l’AMI . Un rapport du Corporate Europe Institute publié le 4 octobre dévoile les mensonges de la Commission européenne et détaille les menaces sociales, environnementales et démocratiques représentées par le TIPP et notamment son arme juridique, l’ISDS (lire le rapport ici mais c’est en anglais)

Dans quelques mois, les nouveaux députés européens, alibis démocratiques d ’une Europe soumise à la dictature libérale, seront peut-être déjà contraints par des textes qui n’auront jamais été débattus. Et les dirigeants français, nous expliqueront, la main sur le cœur et avec des trémolos dans la voix, qu’ils luttent au quotidien pour préserver nos emplois et notre environnement mais qu’ils doivent tenir compte des traités européens et internationaux, même s’ils le déplorent. . . Ah, la méchante Union Européenne ! Ah les mauvais textes négociés à leur insu ! On connaît la chanson et cette défausse permanente de responsabilités qui ne trompe plus personne mais qui contribue si puissamment à la montée du Front National.

En attendant, nous subissons l’incroyable cynisme du pouvoir socialiste. Nicole Bricq, ministre du Commerce extérieur, vient d’installer ( c’était mardi dernier, le 8 octobre) le comité stratégique sur l’accord de partenariat transatlantique entre l’Europe et les Etats-Unis : à l’exception de Yannick Jadot, député européen qui avait voté contre le mandat de la Commission européenne, cet organe de consultation est entièrement composé de parlementaires , de représentants d’entreprises et d’experts favorables aux négociations. On y cherche en vain des représentants d’ONG ou de syndicats opposés au projet d’accord et défendant une vision alternative du commerce mondial. Nicole Bricq n’hésite cependant pas à affirmer que ce comité « est un des éléments de réponse aux exigences démocratiques ».

La démocratie est à la mode mais elle est totalement pervertie par un discours et des pratiques politiques destinés à endormir et à tromper les consciences . Ce n’est plus qu’ un élément de langage, un paravent, utilisé par nos gouvernants socialistes pour justifier et asseoir la domination sans partage du totalitarisme capitaliste. Les peuples le ressentent de plus en plus fortement et veulent restaurer la primauté du politique sur l’économique. Le discours démagogique du FN rencontre malheureusement cette aspiration. L’agenda de Manuel Valls risque bien d’être de plus en plus chargé.