
Il y a quelques jours, la Ligue des Droits de l’Homme annonçait avoir saisi le procureur de la République dans le cadre d’une plainte contre Éric Zemmour, pour des propos écrits et publiés dans son livre La France n’a pas dit son dernier mot (autopublié, Rubempré). D’après l’organisation non gouvernementale, ces écrits, « par eux-mêmes et du fait de leur diffusion, sont constitutifs du délit de contestation de crime contre l’humanité visé à l’article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 modifiée ».
« Nous avions porté plainte le 23 mars dernier, aux côtés des six autres organisations », nous explique Isabelle Denise, responsable du service juridique de la LDH, « mais, lorsqu’il s’agit de propos tenus par des personnes publiques, le parquet n’est pas toujours saisi simultanément ». Ce dernier n’a pour l’instant pas donné suite : « J’imagine que c’est en cours d’instruction, et j’espère avoir des nouvelles avant les législatives », ajoute-t-elle.
Plusieurs fois condamné pour des propos tenus à l’oral, Éric Zemmour ne l’a encore jamais été pour des écrits, même si certains d’entre eux, notamment son roman Petit Frère (Denoël, 2008) ont déjà été mis en cause. Pour la LDH, il ne fait aucun doute que le livre d’Éric Zemmour « constitue une publicité, au sens de la loi sur la liberté de la presse » d’une contestation par son auteur « d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité ».
Par ailleurs, toujours selon la Ligue, « le caractère intentionnel de l’infraction est clairement démontré par ces écrits, regroupés au sein de son livre », détaille Isabelle Denise. « Sur CNews, Public Sénat ou d’autres chaines, Éric Zemmour déroule une logorrhée où tout peut se mélanger, où des propos peuvent dépasser sa pensée. Ici, les propos sont écrits, les mots choisis. »
Des propos déjà entendus (...)
La responsable du service juridique de la LDH évoque notamment les éléments présentés lors d’une récente exposition du Mémorial de la Shoah, intitulée Homosexuels et lesbiennes dans l’Europe nazie, encore accessible jusqu’au 22 mai prochain.
« Selon les estimations les plus sûres, près de 100.000 homosexuels furent fichés par le régime nazi ; 50 000 environ firent l’objet d’une condamnation ; entre 5000 et 15.000 furent envoyés en camp de concentration, où la plupart périrent », pouvait-on lire.
Les propos d’Éric Zemmour, pour leur part, portaient sur le sort réservé aux personnes homosexuelles en France : selon des données de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, 62 personnes, au moins, ont été arrêtées sur le sol français au motif du paragraphe 175 du Code pénal allemand, criminalisant les relations sexuelles entre hommes. 22 furent arrêtées dans les territoires français annexés par l’Allemagne, et 26 envoyées dans un camp de concentration.
32 homosexuels français furent aussi arrêtés en Allemagne, et deux d’entre eux sont morts dans des camps. Les historiens et chercheurs soulignent aujourd’hui que la documentation sur la répression de l’homosexualité chez les femmes est bien plus rare, puisqu’elle n’était pas officiellement criminalisée.
Stratégie d’extrême droite (...)
le qualificatif de « légende » découle, d’après la responsable du service juridique, de la « falsification de l’histoire » reprochée, y compris par des historiens, au polémiste d’extrême droite. « Une “légende”, c’est quelque chose qui est monté de toutes pièces, qui n’est pas arrivé. Ici, nous avons des faits historiques incontournables, une réalité. »
La responsable du service juridique de la LDH connait bien, à son grand désarroi, le personnage Éric Zemmour et le « négationnisme » qu’elle lui attribue. « Il n’est pas le seul représentant des extrêmes droites à se livrer à une négation de l’histoire et des faits historiques, en les remettant en cause pour servir son idéologie. »