
L’histoire du démontage de l’Université publique américaine que propose Newfield permet par comparaison et anticipation de mieux situer les enjeux idéologiques et politiques des « réformes » que l’on voudrait imposer en France. Deux autres ouvrages récents invitent, selon Yves Citton, à chercher la vraie réforme en cours là où on ne l’attendait pas.
Quelques extraits de l’article, qui, bien que long, mérite d’être lu en entier :
...Sans qu’il soit besoin d’en marquer toutes les correspondances ponctuelles, ces recettes de cuisine comptable, mises en œuvre au cours de la période 1980-2005 dans le démontage de l’Université publique américaine, décrivent très précisément la sauce « bolognaise » à laquelle se font actuellement cuire les universités européennes. Outre qu’il permet d’identifier plus précisément certaines modalités particulièrement retorses de ce démontage, le livre de Christopher Newfield est surtout éclairant de par le cadre stratégique général au sein duquel il nous invite à concevoir cet assaut contre ce qui était en passe de devenir un outil d’émancipation des « classes moyennes »...
...Christopher Newfield nous aide à comprendre quels intérêts de classe motivent et alimentent le démantèlement des universités publiques. Ce faisant, il nous invite à retourner l’accusation de « défense des privilèges acquis » si souvent lancée à la figure des « corporatismes » (universitaires et autres) : ce sont les détenteurs de capitaux, de gros revenus et de fortunes qui défendent leurs privilèges acquis en rechignant à payer les impôts qui permettraient le financement décent des universités publiques...
...Au nom de la « nouvelle économie de la connaissance », telle qu’on la conçoit depuis Bologne, Lisbonne et les bureaux de Valérie Pécresse , les « réformes » tendent en réalité à remettre les pendules à l’heure du vieux capitalisme industriel : elles « réinstaurent une séparation trompeuse entre la créativité et les masses, dans le but d’économiser un peu d’argent à court terme. Elles ressuscitent un système de classe qui appartenait à une conception de la gestion de la main d’œuvre propre à l’âge de la chaîne de montage, conception que l’économie de la connaissance était précisément appelée à rendre obsolète. Ce faisant, elles sapent simultanément et la justice sociale et l’efficacité économique »...