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orient XXI
Démolir des maisons, démanteler la Palestine
Article mis en ligne le 20 mars 2019
dernière modification le 19 mars 2019

Une stratégie israélienne inopérante · La pratique illégale des punitions collectives par les forces d’occupation israéliennes vise à décourager la résistance des Palestiniens. La démolition punitive de leurs maisons fait partie de cet arsenal, aussi inhumain qu’inefficace.

« Je me moque de cette destruction, mais je rêve quand même de pouvoir vivre en sécurité », affirme dans un mélange d’indifférence et d’espoir Ayed Abou Hmeid, 17 ans, victime de la destruction de la maison dans laquelle il a vécu toute sa vie.

Le 15 décembre 2018, près de 150 soldats de l’armée israélienne envahissent en pleine nuit le camp de réfugiés Amari, à l’est de Ramallah en Cisjordanie occupée. Aux alentours de 9 h du matin, les soldats démolissent la maison de la famille Abou Hmeid. En violation du droit international, cette démolition constitue un cas significatif de punition collective. Elle interroge sur l’efficacité d’une telle méthode.

Latifa Abou Hmeid, septuagénaire et propriétaire de la maison détruite, compte quatre de ses fils emprisonnés en Israël, tous condamnés à vie (ils cumulent 18 condamnations à perpétuité) pour le meurtre d’officiels ou de civils israéliens commis entre les années 1990 et le début des années 2000.

Le 24 mai 2018, Islam, cinquième fils de la famille, est accusé d’avoir jeté un bloc de ciment sur un soldat israélien depuis le toit d’un bâtiment dans le camp de réfugiés où sa famille et lui habitent. Le soldat succombera à ses blessures à l’hôpital. C’est l’acte à l’origine de la démolition de la maison familiale près de sept mois plus tard.

Cette troisième destruction — la première est survenue en 1991 et la deuxième en 2003 — a contraint au déplacement 4 familles (23 personnes dont 6 enfants) de leur maison environnante en raison de la force de l’explosion ; une double peine.

Ce type d’agissement commis par les autorités israéliennes est sanctionné par la quatrième Convention de Genève (1949), qui stipule à l’article 33 (...)

Au fil des années, Latifa Abou Hmeid, la mère des martyrs, est devenue l’archétype médiatique de la résistance passive1 aussi bien que de la résistance active à travers ses fils.

Dans le cas particulier de la famille Abou Hmeid, on peut s’interroger sur l’efficacité des démolitions punitives infligées par Israël aux Palestiniens de Cisjordanie. (...)

Au total en 2018, selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs, OCHA) des Nations unies, 459 constructions palestiniennes (habitations, magasins, etc.) ont été détruites, dont près de la moitié se trouve à l’est de Jérusalem, faute de permis de construire si difficiles à obtenir3.

Le directeur de la publication et de la documentation de la CRCS, Qassem Awad, déplore une recrudescence des démolitions ces dernières années. « C’est une autre forme de punition collective inavouée, car elle se cache derrière la loi en prétextant l’absence de permis », explique-t-il. Ces démolitions sont en augmentation de 10 % par rapport à 2017, selon l’OCHA.

PLUS DE VIOLENCE, PLUS DE COLÈRE, PLUS DE FRUSTRATION (...)

Selon Bader Araj, docteur en sociologie politique et professeur assistant à l’université de Birzeit, « 67 % des attaques suicidaires palestiniennes depuis la deuxième Intifada sont motivées par une sévère répression israélienne (...). Il confirme que « les punitions collectives et notamment les démolitions punitives font bien sûr partie de cette répression et impliquent de plus en plus de Palestiniens dans la lutte » (...)

Pour Shawan Jabarin, « Israël est le seul État au monde à faire [des démolitions de maisons] une politique à part entière ».

LES ORIGINES « LÉGALES » D’UNE POLITIQUE (...)

En novembre 1979, la Cour Suprême israélienne autorise l’application de punitions collectives, telle que la destruction de structure palestinienne en Cisjordanie, à des fins de dissuasion.

Un comité militaire israélien dirigé par le général d’armée Ehud Shani recommande en 2005 de mettre fin à la démolition de maisons comme moyen de dissuasion et affirme que « les forces de défense israéliennes […] ne peuvent pas franchir la ligne de la légalité, encore moins la ligne de la légitimité ».

Shaul Mofaz, ministre israélien de la défense, décide de prendre en compte cette recommandation. De fait, les démolitions punitives de maisons sont gelées entre mars 2005 et juillet 2008 et entre mai 2009 et mai 2014. Elles reprennent à l’occasion de l’agression contre Gaza en 2014. (...)

Après plus de quatre décennies de démolitions punitives, la mécanique institutionnelle israélienne s’est huilée. « L’exécutif décide des démolitions, l’armée exécute, la justice légifère » déplore Hisham Kadoumi en insistant sur la systématisation de ce qui doit dès lors être appelé une politique.

Pour autant, l’expérience montre, notamment avec les trois démolitions de la maison des Abou Hmeid étalées sur trente ans, que cette vision brutale ne fait que renforcer la détermination des Palestiniens à se battre. (...)

Les dirigeants israéliens semblent enfermés dans une situation de pure contradiction par un manque cruel de réflexion sur les effets de leur politique de démolition punitive.

Dans un avenir proche, l’espoir d’observer une accalmie dans les démolitions punitives est faible. Shawan Jabarin, craignant même une intensification de cette politique, argue que « sur le plan politique, Benyamin Nétanyahou gagne presque tout et ne veut pas céder à sa droite ». La volonté de créer un Grand Jérusalem — plan qui prévoit l’annexion d’une trentaine de colonies à l’est de la ville — pourrait aussi être une source de motivation. (...)