
Les préfectures d’Ile-de-France, de Seine-Saint-Denis et la préfecture de police de Paris, qui ont organisé le démantèlement du camp de Saint-Denis mardi, restent muettes sur les violences qui ont suivi l’évacuation. Des centaines de migrants, qui n’ont pas pu monter dans les bus pour être mis à l’abri, ont été violentés et sommés de se disperser. Beaucoup ne savent pas où aller. (...)
"Mais où on va maintenant ?" La question a été la même pour des centaines de migrants mardi après-midi, quelques heures après le démantèlement du camp informel de Saint-Denis, en région parisienne. Entre 500 et 1 000 personnes, selon les associations, ont été "laissées sur le carreau" par les autorités.
"Ces personnes ont attendu plusieurs heures d’être prises en charge. Elles savaient que le camp allait être détruit. Elles attendaient de monter dans les bus pour aller vers des centres d’hébergement d’urgence", explique une bénévole de l’association Utopia 56.
Seulement voilà, après le départ des premiers bus, "aucun autre n’est jamais venu". Résultat : des centaines de migrants, sacs de voyage sur le dos ou à la main, ont été sommés par les forces de l’ordre de se disperser.
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"Évacuation ratée"
Et pour accélérer la dispersion, des gaz lacrymogènes ont été lancés à plusieurs reprises. Sur des vidéos mises en ligne sur les réseaux sociaux, les migrants courent pour échapper aux gaz ou errent, hagards, le soir, dans les rues de Saint-Denis et Paris, ne sachant pas "où se disperser".
Les associations et les journalistes présents mardi parlent d’une "évacuation ratée". Ian Brossat, l’adjoint au logement et à la protection des réfugiés à la Mairie de Paris, évoque une opération menée dans des "conditions lamentables".
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Les communiqués officiels parlent au contraire du "succès" de l’opération au cours de laquelle 3 000 mises à l’abri ont été réalisées.
Plus de personnes que prévu, selon la préfecture
Dans un mail envoyé à InfoMigrants, la préfecture d’Ile-de-France se justifie en avançant l’argument d’une arrivée massive de migrants dans la nuit précédant le démantèlement
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Pas un mot en revanche sur l’usage de gaz lacrymogène pour disperser la foule restante. (...)
"Nous ne savions pas où aller, alors on a marché vers Paris"
Les migrants restés à la rue, de leur côté, encore choqués, témoignent. Et cherchent des explications. "L’évacuation était très mal organisée. Il y avait trop de monde et chacun se ruait vers le bus pour monter le premier. Je crois que pas mal de migrants sont arrivés juste la veille et ont pris place aux abords du camp pour monter les premiers dans les bus", explique Mirza, un Afghan de 31 ans arrivé il y a 10 jours en France. "Quand les policiers ont fait monter d’abord les familles c’était plus calme, mais quand ce fut le tour des hommes seuls, la situation s’est dégradée."
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Mirza ne comprend pas la violence policière des heures suivantes. "Moi j’étais au milieu du camp et j’ai vu les policiers commencer à tirer du gaz lacrymogène. Ils ont chassé les migrants du camp."
Après avoir attendu plusieurs heures pour monter dans un bus, en vain, Mirza n’a pas su où aller. "Nous ne savions pas quoi faire, alors nous sommes partis en groupe vers Paris."
C’est là, pendant cette marche de Saint-Denis vers Paris, que les violences ont redoublé, selon des bénévoles et des membres d’associations d’aide aux migrants. "Je n’avais jamais vu ça. La police nous ‘nassait’
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"La police ne nous laissait pas dormir et nous demandait de partir"
L’incompréhension, c’est en effet le sentiment partagé par Omid, un autre réfugié afghan, interrogé mercredi matin, après avoir passé la nuit à chercher un abri.
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"Quand les policiers nous ont chassés du camp dans l’après-midi, beaucoup de migrants se sont rassemblés ici à côté du pont d’Aubervilliers. Nous voulions passer la nuit à côté du centre commercial mais la police ne nous laissait pas dormir et nous demandait de partir", raconte-t-il. "Vers 22h30, on est partis vers les anciens emplacements des camps à Aubervilliers et de la Villette mais là encore, la police nous chassait de partout. Vers 1h du matin, mon ami et moi sommes revenus vers le pont d’Aubervilliers et on a pu dormir sur des couvertures, sur le sol."
Depuis la crise migratoire de 2015, l’évacuation du campement de Saint-Denis de mardi était le 65e démantèlement de grande ampleur en Île-de-France.