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Collectif contre l’enfouissement des déchets radioactifs (CEDRA)
Déchets nucléaires : un scientifique poursuit son analyse du projet d’enfouissement
Communiqué Mardi 17 Janvier Bertrand Thuillier Docteur ès sciences Professeur Associé
Article mis en ligne le 21 janvier 2012
dernière modification le 19 janvier 2012

Les déchets nucléaires et le spectre de Fukushima

Fukushima a marqué les esprits, avec une prise de conscience mondiale par les risques pesant sur l’espace d’un territoire contaminé et pollué sur des milliers de km², et sur des temps se comptant en nombre de générations humaines. Il est très vite apparu que ce désastre avait pour origine des décisions issues d’une démarche considérant que, face à une évaluation complexe de risques encourus, il avait été privilégié de séparer les situations, de les évaluer séparément, et à des niveaux envisageables.

Il est curieux maintenant de constater qu’un projet tout aussi complexe est en cours de lancement en Haute-Marne/Meuse (250 kms de Paris), où l’approche des risques semble être très similaire.
En quelques mots, ce projet consiste à enfouir des déchets Moyennement et Hautement radioactifs à Vie Longue (MAVL-HAVL), et des combustibles usagés dans des couches d’argilites à une profondeur comprise entre 500 m et 600 m. Il est bien entendu que le risque sismique est extrêmement faible dans le bassin parisien, et que les risques d’inondations ou de tsunamis sont inexistants, mais d’autres risques sont présents, et malheureusement également bien additifs, associés, reliés, et difficilement modélisables.
Une majorité des déchets MAVL produisent de l’hydrogène. Les colis de ces derniers ont bien entendu été conçus pour être non étanches à la libération des gaz (y compris pour les radioéléments gazeux) afin d’éviter que ces colis n’explosent, mais cette production totale représente de l’ordre d’un million de litres/an d’hydrogène, et oblige alors à une ventilation très forte (plus de 500 m³/s) du stockage pour éviter d’arriver à une concentration explosive (au-delà de 4% d’hydrogène).
Il est à ajouter que certains de ces colis sont également constitués en partie de bitume (de l’ordre de 10 000 tonnes au total) pour lesquels la limite d’auto-ignition est de 450°C.
Dans ce stockage seront également présents d’autres types de déchets, par exemple des combustibles usés produisant de la chaleur (100°C au contact environ) et qui doivent être traités avec des procédés à sec pour éviter un risque de criticité (réaction nucléaire en chaîne).
Enfin, les questions d’accidents conventionnels ne sont pas à exclure : chute d’un colis, collision entre deux véhicules, courts-circuits électriques, panne de ventilation, éboulements, tout en considérant les poussières et les gaz d’échappement émis par les engins (monoxyde de carbone, par exemple) dans cet environnement confiné et souterrain.

Tous ces risques ont été sérieusement étudiés séparément par le maître d’œuvre, mais imaginons que tous ces paramètres se mettent à l’orange : un accident, une zone non ventilée, une goutte d’huile sur un moteur (flamme), une batterie défectueuse (étincelle), un début d’incendie d’un engin, des colis bitumineux sur l’engin, des fumées, une élévation de température, un empêchement d’intervenir vite par conséquence, une décision malheureuse en réaction :

. pas assez d’eau, et l’incendie se développe, trop d’eau, et on augmente le risque de criticité

. ou encore concernant la ventilation : trop de ventilation, pour éliminer les fumées, mais le feu s’étend, un arrêt de la ventilation, et alors l’hydrogène s’accumule et augmente le risque d’explosion.

Peut-on réellement modéliser tous ces risques et les décisions et procédures associées dans un environnement aussi hostile ? Et alors, que faire si la situation dégénère en un incendie de longue durée ? Les structures seraient endommagées, certains colis pourraient être éventrés, peut-être jusqu’à ce que des assemblages perdent leur géométrie sous-critique (chaque colis de combustible usé CU2 contient 12 kg de Pu239, 510g sont suffisants pour débuter une réaction en chaîne), et alors la catastrophe serait là.

Dans ces conditions, comment de pas s’inquiéter d’un projet dont les risques d’occurrence de catastrophe sont extrêmement faibles (mais non nuls) en lien avec des dommages infiniment élevés (rejets de radionucléides par les puits d’accès, contamination des eaux de la Marne par ses affluents). On arrive ainsi, avec un peu de culture statistique, à une (dés-)espérance mathématique qui donnerait bien évidemment une situation infiniment dommageable pour les citoyens et leur environnement, une situation qui, bien entendu, avait été pensée ne jamais se produire.

(...)

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