
La Grande-Bretagne a repoussé pendant des années la question du devenir de ses déchets radioactifs. Pour y remédier, le gouvernement actuel a lancé une opération de séduction des communes rurales pour les inciter à accueillir le site de la future poubelle nucléaire.
L’époque est révolue où les Britanniques réglaient la question des déchets nucléaires en les jetant dans la Manche. Pourtant, aucune solution à long terme n’est venue remplacer cette méthode expéditive. Les déchets radioactifs accumulés depuis des décennies traînent dans les centrales, en majorité dans celle de Sellafield, dans le nord-ouest de l’Angleterre. Ils y sont stockés de façon précaire dans des bouteilles en plastique ou dans des bennes disposées au fond de cuves d’eau au béton dégradé et exposées aux intempéries. C’est ce qu’a révélé un documentaire de la BBC en 2016. « Cette émission a montré une image négative de notre sûreté, dans laquelle nous ne nous reconnaissons pas », avait annoncé un représentant de la centrale à l’époque. Un des lanceurs d’alertes à avoir parlé à la BBC, un ancien cadre supérieur de Sellafield, disait alors qu’il s’inquiétait « chaque jour » pour l’état du centre.
Autant dire que trouver un lieu de stockage permanent pour cet héritage empoisonné devient urgent. Et quel héritage ! Quelque 155.000 m3 de déchets contre près de 138.000 m3 en France. Le seul site de Sellafield abrite le plus grand stock de plutonium civil au monde, 112 tonnes, une quantité astronomique lorsqu’on sait que pour faire une arme nucléaire, il suffit de 5 à 10 kilogrammes. C’est un défi qui menace depuis des décennies, sans qu’aucun gouvernement ne se soit décidé à le relever. (...)
Depuis une dizaine d’années, il y a consensus au sein du gouvernement britannique sur la manière de stocker les déchets : l’Angleterre optera pour le stockage en couche géologique profonde. Une méthode qui fait penser à une « poupée russe », explique Neil Hyatt, professeur de chimie de la matière nucléaire à l’université de Sheffield. (...)
Les communes volontaires risquent d’être rares : lors de la dernière tentative pour trouver un lieu d’enfouissement en 2013, une seule s’était proposée, Allerdale, dans le Cumbria, avant d’y renoncer face à l’opposition populaire. (...)
À Allerdale, le mouvement d’opposition se prépare à renaître face au nouveau plan du gouvernement. « Pour le moment, on attend, on garde les yeux ouverts. On sait que l’on arrivera à mobiliser du monde dès qu’il le faudra », dit Geoff, qui a d’ores et déjà commencé à composer une nouvelle chanson de protestation.(...)
Malgré les poches de résistance locales, le sujet des déchets nucléaires est très peu présent dans le débat public en Angleterre. « Les Britanniques sont connus pour leur désintérêt envers l’industrie nucléaire. C’est très difficile de faire s’intéresser les gens à ce sujet, explique Stephen Thomas. Les plus grandes ONG environnementales n’ont même pas de campagne en cours sur les déchets radioactifs en Angleterre. » En effet, contactée par Reporterre, la branche britannique des Amis de la Terre n’a pas voulu commenter : « Nous ne menons actuellement aucune action à ce sujet. »
Un silence bien pratique pour l’industrie nucléaire, explique Adam Vaughan, journaliste du Guardian spécialiste des questions énergétiques, dans un podcast. (...)