
Monsieur Desprès démarre son intervention en assimilant ceux qui étudient et s’inquiètent des risques systémiques (limités dans son esprit à une urgence climatique qui n’a aucunement lieu d’être) à des « militants et des prédicateurs » ultra-minoritaires, confondant science et métaphysique, tenant d’une « religion de la catastrophe », et « fascinés par la mort ». Il a semblé échapper à Monsieur Desprès qu’un nombre croissant de scientifiques, d’ingénieurs, de chercheurs, d’économistes, et de hauts-fonctionnaires jugent élevés et croissants les risques d’effondrement civilisationnel, en conclusion d’analyses scientifiques et méthodiques de tendances économiques, sociales, énergétiques, hydriques et climatiques. J’ai tenté d’en faire une synthèse pédagogique dans cet article pris au sérieux par les décideurs avec lesquels je m’entretiens actuellement. Il contient des informations aucunement abordées par l’intervenant du jour, dont les propos indiquent qu’il ne s’est jamais réellement intéressé au thème de son intervention du jour.
Monsieur Desprès enchaine les parallèles rhétoriques d’ordre biblique (« dès Abel et Cain l’homme était perçu comme une menace pour lui-même ») et historique (« lors de la Guerre Froide les gens avaient peur de l’hiver nucléaire »), et suggère que « notre époque a besoin de se sentir à part et de s’inventer de nouvelles peurs ». Monsieur Desprès semble ignorer que la Grande Accélération est un phénomène très récent, sans précédent historique, et aux tendances exponentielles incontrôlées.
Monsieur Desprès nie les conclusions des travaux du GIEC (reposant sur « des séries temporelles trop courtes et des échantillons trop petits ») et l’urgence climatique. Un monde à +3-4 degrés serait même potentiellement un « optimum climatique ». Peu de populations seraient véritablement touchées par le changement climatique. Monsieur Desprès est tombé dans la caricature du climatoscepticisme avec une succession d’arguments maintes fois démontés par la recherche scientifique. Il semble ignorer que le débat sur le risque de réchauffement (auquel il ne prend nullement part) convainc, itération après itération, une part croissante des scientifiques, justement parce que les séries temporelles s’allongent, parce que les données sur lesquelles reposent les modèles s’affinent, et surtout parce que les modèles fonctionnent, voire sous-estiment certains phénomènes comme la fonte des glaces. Que l’unanimité ne garantisse pas la vérité est indiscutable : parier notre avenir selon le l’hypothèse que la totalité des scientifiques auraient tort… est une stratégie de prévention et de couverture des risques pour le moins discutable de la part d’un décideur politique.
Il échappe également à Monsieur Desprès qu’entre autres réjouissances, les vagues de chaleur provoquées par le changement climatique, insoutenables pour le corps humain (sans parler de l’agriculture), pourraient rendre inhabitables de vastes pans de territoires très peuplés (je ne parle même pas ici des victimes de la montée des eaux, des sécheresses, des crises alimentaires, et des épidémies). (...)
Sur la question énergétique, Monsieur Desprès estime qu’on « annonce le pic pétrolier tous les 10 ans depuis 60 ans » et que la France est exemplaire et résiliente grâce à son parc nucléaire. Il échappe apparemment à ce haut fonctionnaire du Ministère des transports que l’électricité nucléaire ne propulse guère les voitures et les camions qui transportent les Français et leur nourriture. Il semble également ignorer que l’électricité ne représente que moins d’un quart du mix énergétique français. (...)
Monsieur Desprès ne juge aucunement utile de mettre en œuvre un plan d’adaptation au changement climatique. Il n’en voit pas les bénéfices potentiels, que ce soit en termes de résilience ou même en termes socio-économiques : « un Plan Marshall pour une soi-disant urgence climatique présente un risque trop grand pour les finances publiques, pour un retour trop incertain ». (...)
Contrairement à de nombreux décideurs politiques et économiques de sa génération (qui soutiennent, encouragent, informent, et conseillent avec bienveillance ma génération sur les risques systémiques, qui les dépassent tout autant que nous), Monsieur Desprès a surtout affiché de la suffisance, du mépris, et un manque total d’empathie envers nos inquiétudes. (...)
Une information tout de même à destination de notre gouvernement élu uniquement « par défaut » : sachez qu’après vous être totalement coupés des classes populaires et des classes moyennes aujourd’hui déclassées, votre dernier maillon électoral empêchant aux extrêmes de prendre le pouvoir est en train de céder. Une bonne recommandation de consultant : ne sous-estimez pas la déprise croissante des classes moyennes supérieures et même des classes aisées.