
(...) Celui qui est parfois présenté comme un « grand intellectuel de droite » (sic) s’est illustré dans ses approximations pour ne pas dire ses erreurs historiques, sa mauvaise foi et ses contresens. Le candidat de la France insoumise a quant à lui adopté une hauteur de vue, rimant avec l’ouverture sur l’autre.
(...) Qu’est-ce que le « bien commun » pour celui qui veut expulser du territoire français 5 millions de personnes ?
Qu’est-ce que le « bien commun » pour celui qui déplore l’égalité des conditions entre femmes et hommes ?
Qu’est-ce que le « bien commun » pour celui qui trouve ses références chez des monarchistes antisémites qui exècrent la République ?
Comment penser le commun quand toute la vision politique développée repose sur l’exclusion, la dévalorisation, l’humiliation ?
C’est ce qui s’est joué lors du débat opposant Éric Zemmour à Jean-Luc Mélenchon sur BFMTV. Quelle vision de la République ? Le résultat est sans appel : le candidat de la France insoumise a donné une leçon de République au chroniqueur devenu caricature de lui-même au fil des assauts philosophiques et politiques de l’adversaire.
Dans sa profession de foi pour les élections législatives de 1906, voici ce que Jaurès écrivait : « J’ai servi fidèlement le socialisme et la République, qui sont inséparables : car, sans la République, le socialisme est impuissant et, sans le socialisme, la République est vide ». 24 ans plus tôt, Ernest Renan décrivait ainsi la Nation : « Elle suppose un passé ; elle se résume pourtant dans le présent par un fait tangible : le consentement, le désir clairement exprimé de continuer la vie commune. L’existence d’une nation est (pardonnez-moi cette métaphore) un plébiscite de tous les jours, comme l’existence de l’individu est une affirmation perpétuelle de vie ».
Voilà dans son discours ce que lie Jean-Luc Mélenchon : la France, la Nation, la République. La République comme moyen de l’émancipation de l’individu, la France comme l’espace de réalisation de cette promesse et la Nation comme manifestation du désir de vie commune. Cette vision politique rassemble, là où celle d’Eric Zemmour relègue (la femme, l’immigré…). Elle trace un horizon fédérateur et populaire, là où le sombre chroniqueur n’est que le ferment d’une guerre civile.
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– Oui, Mélenchon a eu raison de débattre avec zemmour
On nous promettait un débat âpre et de haut niveau, entre deux personnalités rompues à l’exercice… À la place, pendant deux heures, nous aurons assisté à un échange entre un candidat a la présidentielle, déroulant systématiquement un raisonnement adossé à des propositions programmatiques, et un éditorialiste réactionnaire approximatif, incapable de sortir de son rôle et de ses névroses obsessionnelles : l’immigration, le grand remplacement, le déclin français… Ce débat a permis une clarification nécessaire et la présentation de thèmes de campagne, qui reviendront au coeur du débat.
Pourtant la première partie du débat était taillée pour aider Zemmour à occuper tout l’espace : d’abord une longue séquence sur les dangers pour la France, puis une autre sur l’insécurité comme problème exclusif… Face aux délires réactionnaires de Zemmour, Jean-Luc Mélenchon a su porter un discours rationnel, bien éloigné des lieux communs et du ronron médiatique. Il a déconstruit patiemment les fake-news sur les chiffres de l’immigration, le nombre d’étrangers vivants en France… pour y substituer une vision axée autour de la créolisation, réalité que nous voyons vivre sous nos yeux au quotidien. Il a eu le courage de ne rien céder sur le fond, en réclamant la dissolution des BAC sans accepter une lecture binaire ou outrancière de l’état du racisme dans la police.
La seconde partie du débat fut le naufrage de Zemmour, tant il tentait de se raccrocher à ses thématiques favorites pour dissimuler son ignorance crasse des préoccupations du quotidien, flirtant même avec le négationnisme climatique quand il a été question d’écologie. Jean-Luc Mélenchon a pour sa part présenté une vision complète des solutions qu’il faudra mettre en œuvre dès demain pour combattre le réchauffement climatique : règle verte, tribunal international de la justice climatique, sortie du plastique et du glyphosate…
Il n’y a donc pas eu de confrontation « projet contre projet » puisque l’indigence du presque candidat de l’extrême-droite est apparue clairement, tout juste bon à adopter des positions de principe sur le nucléaire et à confondre les énergies renouvelables et les éoliennes. (...)
Enfin, la troisième partie du débat aura confirmé que Jean-Luc Mélenchon est le seul candidat doté d’une volonté réelle de sortir du système à bout de souffle de la 5e République pour redonner le pouvoir au peuple, via la convocation d’une Assemblée constituante qui aurait mandat d’écrire une nouvelle Constitution, mais aussi en autorisant des référendums d’initiative citoyenne et révocatoires. Zemmour bafouilla un incompréhensible appel à la révolution « populaire », sans parvenir à expliquer en quoi elle différait du concept de « révolution nationale » pétainiste.
Si Jean-Luc Mélenchon a gagné ce soir, c’est non seulement parce qu’il a su exposer un programme de transformation en profondeur de la société afin de répondre aux enjeux de notre temps, mais aussi car il n’a pas un instant quitté les berges de la rationalité et de l’argumentation, faisant honneur à la politique et à notre pays. Il a su montrer qu’il existe une parole qui fait obstacle, sur le fond et sur la forme, à l’extrême droite la plus rétrograde, invitée quotidiennement sur tous les plateaux. Face à celle-ci, tous les espaces de confrontations sont les bienvenus, toutes les victoires arrachées sont un pas de plus vers l’émancipation et la justice sociale pour la France.
– Jean-Luc Mélenchon met Zemmour KO
Sur les thèmes de complaisance de Zemmour, Mélenchon a mobilisé des faits et des chiffres au service d’un discours résolument républicain et humaniste.
À la vision fantasmée d’une France ethnique, fondée sur le christianisme, Jean-Luc Mélenchon a rappelé que la France s’est construite au fil du temps par le mélange constant des peuples et des cultures, processus que le poète Édouard Glissant a appelé la créolisation, et qui est la dynamique de la vie même.
À la vision intrinsèquement raciste de notre pays véhiculée par Éric Zemmour, le candidat de l’Union populaire a réaffirmé que la grandeur de la France c’est le pari sur l’humain.
Aux obsessions maladives de Zemmour sur la religion musulmane, Jean-Luc Mélenchon a défendu la dignité de nos concitoyens et souligné la grande contribution de l’islam à l’humanisme dès le Moyen-Âge.
(...) Sur le thème prétendument phare de Zemmour, la sécurité, Jean-Luc Mélenchon a pointé du doigt les fadaises du candidat non officialisé de l’extrême-droite. Coincé par les journalistes, Zemmour lève les yeux au ciel, ne répond pas et attaque des chercheurs en science sociale. Décidément, Éric Zemmour méprise les disciplines scientifiques comme on le verra sur la question de la lutte contre le dérèglement climatique. (...)
Alors même que 2021 a vu la multiplication des catastrophes climatiques, Éric Zemmour révèle son mépris du consensus scientifique le plus élémentaire et s’interroge sur la réalité même du changement climatique. (...)
Face à cette analyse affligeante, Jean-Luc Mélenchon lui oppose le bon sens de la planification écologique et de l’écologie populaire.
À la nécessité de traiter ensemble urgence écologique et urgence sociale, Éric Zemmour montre là aussi l’inanité de ses propositions sociales. Il répète toutes les vieilles ficelles de la droite ultra-libérale sur les charges sociales, la fraude sociale, la nécessité de baisser les impôts de production, le fléau de l’assistanat… Bref, il propose la politique sociale d’Emmanuel Macron. Face à cela, Jean-Luc Mélenchon a opposé la nécessité du partage des richesses et du temps de travail, de la nécessité d’un protectionnisme écologique et social pour briser le cercle infernal du moins-disant social au niveau mondial.
Enfin, sur l’impératif démocratique, que ce soit la rupture avec les traités européens ou la nécessité de passer à la 6e République par un processus constituant, Éric Zemmour n’a fait que parler du passé, invoquant les lointaines images du traité de Maastricht et de la 4e République. Éric Zemmour se réfugie dans l’image d’une France qui n’a jamais existé et n’a rien à dire au peuple de France dont il méconnaît toutes les aspirations démocratiques et égalitaires.
Jean-Luc Mélenchon est allé débattre avec Éric Zemmour pour dégonfler la baudruche de l’extrême-droite. Le résultat est probant.
Extraits du débat :
l’intégralité du débat :