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De la guerre coloniale au maintien de l’ordre : « Terroriser les gens, pour qu’ils n’osent plus aller manifester »
#manipulation #repression
Article mis en ligne le 20 janvier 2023
dernière modification le 18 janvier 2023

L’histoire de la doctrine française de la « guerre révolutionnaire », techniques contre-insurrectionnelles mêlant terreur et manipulation, est méconnue. Née dans les colonies, elle s’est depuis banalisée. Entretien avec l’historien Jérémy Rubenstein.

La « guerre révolutionnaire » comme doctrine terriblement séduisante. Ou comment, à partir d’une inversion sémantique qui laisse sans voix, un quarteron d’officiers français abonnés à la lose (débâcle de 1940, Diên Biên Phu…) ont semé aux quatre vents une fumeuse et sanglante théorie de la guerre moderne, à la fois psychologique et contre-insurrectionnelle… L’historien Jérémy Rubenstein, auteur de Terreur et séduction – une histoire de la doctrine de la « guerre révolutionnaire », nous parle de ses origines coloniales, de son heure de gloire lors de la mal nommée bataille d’Alger, mais aussi des multiples applications de cette « boîte à outils » du maintien de l’ordre dominant, depuis la dictature argentine jusqu’aux cartels mexicains de la drogue en passant par la com’ du patronat français. Entretien. (...)

L’arme psychologique sert à faire adhérer les gens à ta cause, soit par la conviction, soit par la contrainte. Ces stages où on fait hurler à ses employés combien ils sont prêts à tout donner pour leur boîte, ce sont des méthodes appliquées par les militaires depuis longtemps. La perméabilité entre armée et entreprise ne date d’ailleurs pas de la DGR : l’époque des grandes armées de conscrits correspond à celle des armées d’ouvriers de l’industrie fordiste. Se réveiller au clairon pendant des mois facilitera l’obéissance aux sirènes de l’usine. (...)

La vision paranoïaque du monde véhiculée par la DGR se retrouve aussi aujourd’hui quand un juge affirme que des lunettes de protection trouvée sur un manifestant sont une arme par destination. Ou quand un ministre de l’Éducation nationale assure que certains écoliers portent des habits religieux « par destination ». C’est encore et toujours l’ennemi intérieur qui veut imposer son agenda occulte : après les habits viendront les attentats. Ces exemples montrent que la DGR a étendu son influence bien au-delà des guerres coloniales. (...)

Macron n’est pas un colonel argentin, mais il est entouré de chefs d’entreprises qui ont intégré les techniques de la DGR. Elles sont simples : la terreur et la séduction, c’est la carotte et le bâton. Rappelons que leur grand débat n’a même pas été validé par l’instance garante du débat public ! Ça n’a été qu’un logo, une marque. Il faut y ajouter l’arme psychologique des comparutions immédiates. La machine judiciaire s’est mise en ordre de bataille pour obtenir des effets immédiats, avec des peines très lourdes pour des faits bénins. (...)