
De part et d’autre de l’Atlantique, la montée en puissance de dirigeants conservateurs et nationalistes place les partisans du projet européen et des « sociétés ouvertes » sur la défensive. L’Allemagne voit ainsi s’éloigner deux alliés stratégiques : l’Europe centrale, gagnée par l’autoritarisme, et l’Amérique, tentée par l’unilatéralisme. Ce mouvement sonne-t-il le glas de l’ère libérale ?
En Allemagne, pays de la stabilité, il est un domaine réputé encore plus réfractaire au changement que le culte de la monnaie forte et l’amour des comptes équilibrés : la politique étrangère, qui repose traditionnellement sur la construction européenne et le lien transatlantique. La carte des puissances alliées de Berlin connaît pourtant depuis trois ans une transformation inédite à mesure que la liste des amis comblés se ratatine et qu’enfle celle des partenaires mécontents.
Les rapports avec le président américain Donald Trump oscillent entre le maussade et l’exécrable ; les relations avec la Turquie ont frôlé le point de rupture ; celles avec les pays d’Europe centrale se distendent. En 2015, l’acharnement punitif de l’Allemagne contre le gouvernement et le peuple grecs donnait aux pays latins un frissonnant avant-goût du destin promis aux réfractaires à l’austérité. Cerise sur le gâteau, le vote des Britanniques en faveur du Brexit, en juin 2016, a privé la chancelière Angela Merkel d’un appui libre-échangiste au sein des cénacles européens.
La puissance allemande s’exprimant en premier lieu sur le plan commercial, c’est placé sous ce prisme que ce méli-mélo prend une forme cohérente. À gros traits celle-ci : certains des alliés économiques vitaux de Berlin se posent désormais comme ses adversaires politiques, idéologiques et culturels. (...)
« La situation menace de ranimer un vieux cauchemar allemand, note Gideon Rachman, du Financial Times (7 mars 2017) : la peur d’être une grande puissance isolée au centre de l’Europe. » (...)