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Dans la Syrie en guerre, ce curieux business qui unit les ennemis
Article mis en ligne le 1er août 2018
dernière modification le 31 juillet 2018

Légumes, pétrole, sacs de sucre et vêtements. Dans la Syrie morcelée par la guerre, les marchandises traversent les lignes de front grâce à des arrangements entre belligérants, qui s’improvisent partenaires commerciaux pour empocher des millions de dollars.

Que ce soit le régime de Bachar al-Assad, les rebelles, les jihadistes ou encore les forces kurdes, ils ont tous établi des liens avec des hommes d’affaires pour tirer profit d’un commerce juteux aux points de passage.

Plusieurs sources dans les zones rebelles contactées par l’AFP -commandants militaires,commerçants, militants-, ont confirmé ces "marchés" qui ont permis aux groupes armés et à des hommes d’affaires, dont certains liés au régime de Bachar al-Assad, de s’enrichir dans un pays divisé et ravagé par un conflit dévastateur depuis sept ans.

Le point de passage de Morek, entre la province d’Idleb (nord-ouest) contrôlée par les jihadistes de Hayat Tahrir al-Cham (HTS) et des groupes rebelles, et celle de Hama (centre) aux mains du régime, est peut-être le plus emblématique, devenant depuis novembre 2017 une plaque tournante de ce commerce. (...)

Chaque jour, sucre, bonbonnes de gaz, pièces de rechange pour voitures arrivent des zones gouvernementales dans la région de Hama avant de traverser Morek pour entrer à Idleb, selon des sources au passage.

En échange, légumes, pistaches, vêtements ou biscuits importés de Turquie voisine arrivent dans les secteurs prorégime.

"C’est l’argent qui fait bouger les choses", poursuit M. Sorani, précisant que côté régime, les transactions sont gérées par un seul homme d’affaires qu’il n’a pas nommé.(...)

Bassam Abou Abdallah, directeur du Centre de Damas pour les études stratégiques, reconnaît que ces passages sont "un fait accompli, dicté par la situation militaire".

"En Syrie comme dans tous les conflits, des seigneurs de guerre apparaissent. Un réseau d’intérêts unissant les belligérants se crée, en raison des profits" qu’ils peuvent en tirer, explique-t-il.

D’après l’expert Ayman al-Dessouki, du centre de réflexion Omran, basé en Turquie, "les passages génèrent des millions pour les forces qui les contrôlent et les hommes d’affaires". "Ils représentent une manne financière importante pour les insurgés, après le recul de l’aide des pays du Golfe".(...)

Plus au nord et malgré leur animosité, Kurdes et rebelles soutenus par la Turquie, font aussi du commerce.

Le passage de Hamrane dans la province d’Alep est tenu par des miliciens kurdes d’un côté et un groupe rebelle de l’autre. Quotidiennement, jusqu’à 60 camions-citernes transportant du brut venant des zones kurdes arrivent en zones rebelles où le pétrole est raffiné, a indiqué un responsable au passage.

Le commerce se fait aussi dans le sens inverse mais Ankara décide de la liste des produits. (...)

Pendant les cinq ans de siège par le régime de la Ghouta orientale, où des habitants sont morts en raison du manque des médicaments et de nourriture, un seul homme contrôlait tout ce qui entrait dans la zone : Mohieddine al-Manfouch, propriétaire d’une fabrique de produits laitiers, selon rebelles et commerçants locaux.

Lui seul avait le droit de faire passer riz, farine, sucre, et vêtements dans cet ex-fief rebelle près de Damas reconquis en avril par le régime, où ces produits étaient revendus à des prix trop élevés, selon ces sources.

"Le régime autorisait certaines denrées à entrer par le biais de Manfouch. Il était leur commerçant accrédité, on n’avait pas d’autre choix que de traiter avec lui", affirme Yasser Delwane du groupe rebelle Jaich al-Islam. (...)