
Comment, seul ou en équipe, l’adulte éducateur s’y prend-il pour élaborer les décisions à partir desquelles il développe ses stratégies d’action, sachant que celles-ci (les décisions) comme celles-là (les actions) ont des conséquences cruciales sur l’existence des personnes accueillies et accompagnées dans le cadre de dispositifs spécialisés ? Telle est la question de fond qui court tout au long de l’essai de Laurent Puech intitulé Manuel du travailleur social sceptique
(...) si trop de réunions d’équipes sont devenues des caricatures de ce que devrait être un espace-temps d’écoute, de partage, de réflexion et de « disputatio », c’est-à-dire d’un échange d’arguments, c’est sans aucun doute parce que les métiers de l’éducation spécialisée ne se sont pas assez donné les moyens de penser à quel moment un avis cesse d’être une croyance ou une opinion pour devenir l’expression d’une « hypothèse ». Au regard de quoi l’essai de Laurent Puech se révèle être d’un apport non seulement utile mais presqu’indispensable. (...)
J’ai coutume d’affirmer que « si la rencontre est forcément subjective, en revanche le rendre compte est nécessairement objectif ». Là réside l’un des enjeux majeurs du processus de professionnalisation. (...)
La clinique est l’art d’élaborer des hypothèses qui certes « non démontrables » n’en demeurent pas moins « vraisemblables » (...)
Il faut, comme le préconise Laurent Puech, savoir accueillir ces catégories du « vraisemblable », du « probable », de « l’acceptable », du « valable », du « raisonnable », etc. qui toutes, et une fois encore à l’opposé des catégories binaires, conservent en leur sein une part d’incertitude et d’imprévisibilité. Ici les analyses développées par l’auteur viennent contrer le processus de démolition systématique des métiers de l’humain entrepris depuis une quarantaine d’années. (...)
Pour autant, et comme j’ai pu le dire dans un précédent article, l’apocalypse que nous avons la chance de vivre est bel et bien la fin d’un monde et non pas la fin du monde. Dans l’aller vers un autre possible qu’ouvre cette époque de crises successives, le livre de Laurent Puech devient un bagage essentiel. Il vient rappeler que le scepticisme n’est pas un négativisme mais une méthode critique par laquelle des acteurs professionnels se donnent le temps et les moyens de collecter tous les matériaux susceptibles d’aider à la compréhension d’une situation avant que de projeter sur celles-ci leurs propres interprétations. (...)
la pertinence des propos conduira immanquablement le lecteur à porter un regard critique sur sa pratique ; de sorte que tout professionnel sortira forcément grandi de la lecture de ce petit essai (...)