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Non-Fiction
DOSSIER – Faurisson, Irving, Jalkh : l’éternel retour du négationnisme
Article mis en ligne le 3 mai 2017

Le négationnisme, par les hasards des calendriers et de l’actualité politique, revient sur le devant de la scène, alors même qu’on le croyait définitivement évacué de la sphère publique.

La sortie du film Le Procès du siècle réalisé par Mick Jackson rappelle l’histoire de ce procès de 2000 qui opposa l’historienne américaine Deborah Lipstadt et sa maison d’édition Penguin Books, et David Irving, écrivain et révisionniste patenté. Une opinion en procès, voilà qui peut faire frémir tous les partisans de la liberté d’expression dans sa plus pure expression. Cependant, ce que le film montre bien, c’est qu’il ne s’agit pas du procès d’une opinion. David Irving a lui-même intenté un procès en diffamation à Deborah Lipstadt en espérant ainsi un triomphe devant les tribunaux à défaut d’une reconnaissance institutionnelle. Le procès se conclut néanmoins par une sentence établissant non seulement l’existence des chambres à gaz dans les camps d’extermination nazis, mais surtout la volonté délibérée et idéologique de falsifier l’histoire de la part de David Irving.

Savoir si le révisionnisme doit être pénalement jugé est une question en réalité bien différente de celle que pose le film. En 2000, le révisionnisme perd le procès que David Irving a initié, il n’est pas condamné. Le point le plus crucial du film n’est pas non plus la vérité de l’extermination, qui n’est jamais remise en question ; il s’agit de se défaire des affects pour la prouver scientifiquement. En revanche, la question sans doute la plus fine qui est développée par le film et le procès, c’est le fait que les discours révisionnistes sont véhiculés par une idéologie raciste, antisémite voire fasciste. Ce n’est pas une simple opinion, c’est une opinion qui refuse délibérément d’accepter des faits historiques pour des raisons inavouables et inavouées. À l’heure des fake news et autres faits alternatifs, et dans le contexte politique actuel, cette prise de conscience a son importance… (...)

Il est crucial de rappeler la valeur de faits prouvés, quand les responsables politiques balaient les preuves scientifiques d’un revers de main. Il est crucial de le rappeler aussi quand des responsables politiques arrivent, même provisoirement, à la tête d’un parti qui se prétend respectable et républicain. Ces « opinions » révisionnistes sont tout sauf un libre exercice de la pensée et sont basées sur des fondements idéologiques. (...)

Face à ces débats sans cesse recommencés, l’historien ne peut faire comme si de rien n’était. Il doit rappeler avec force que l’histoire est une démarche s’appuyant sur un raisonnement rationnel et des preuves tangibles. Il y a bien sûr encore des controverses sur ces questions : pensons notamment au débat historiographique autour du terme même de Shoah, ou encore autour de la « Shoah par balles ». Il est naturel et sain que les historiens puissent se poser librement ces questions. Mais ils doivent le faire en dehors de toute posture idéologique, loin des présupposés racistes et complaisants face aux régimes totalitaires qui sous-tendent encore et toujours les discours négationnistes.