
Quand la guerre éclate, les dirigeants français décident en priorité de défendre leurs positions au Maghreb. Leur stratégie s’oriente en priorité vers la protection navale de l’Algérie, du Maroc et de la Tunisie. Les projets d’intervention au Proche-orient sont jugés prématurés par l’état-major. La France s’engagera plus tard au Proche-Orient, mais avec des moyens bien inférieurs à ceux des Britanniques.
(...) Le souci prioritaire consiste à défendre le Maghreb, où vit déjà une importante colonie européenne, et dont une partie est considérée comme portion du territoire national. L’objectif est triple : maintenir les positions au Maroc, dont l’occupation se limite encore essentiellement aux provinces orientales et aux plaines atlantiques ; obtenir le calme des populations musulmanes d’Algérie et de Tunisie et permettre l’envoi en France de forces militaires réduites (environ 40 000 hommes), mais composées de troupes de qualité. Les relations maritimes avec la métropole sont considérées comme vitales. (...)
Les relations maritimes sont ralenties par le manque de navires et l’activité des sous-marins ennemis. L’économie est atteinte par des pénuries d’autant plus graves que l’Afrique du Nord ne possède pratiquement pas d’industries. L’opinion musulmane est impressionnée par la puissance allemande, et parfois touchée par la propagande germano-turque. Les besoins du front incitent à appeler un nombre croissant « d’indigènes » algériens sous les drapeaux, par des méthodes de contraintes souvent brutales qui sont à l’origine de l’insurrection des Aurès (novembre 1916 à mars 1917). En même temps, une révolte des tribus animées par l’action de la confrérie Senoussiya agite le Sahara depuis le Hoggar jusqu’à l’Aïr. Djanet est évacuée, Agadès est assiégée. Le meurtre du père de Foucauld (1er décembre 1916) marque durablement les esprits.
Ne serait-il pas possible de dissiper la menace turque en portant la guerre en Orient ? Dès l’entrée en guerre de la Turquie, plusieurs projets d’intervention — qui combinent un soulèvement des populations arabes avec des débarquements à Alexandrette ou Tripoli — sont suggérés par diverses personnalités ; certains sont étudiés par l’état-major. Mais ces projets sont jugés prématurés au Quai d’Orsay, où l’on espère toujours ramener les Turcs dans le camp des Alliés (...)
effort de mobilisation accru en 1918. Les régiments d’Afrique du Nord engagés en France, zouaves et tirailleurs, méritent tous les éloges et figurent au nombre des plus décorés. Au total, la mobilisation aurait fourni 360 000 hommes, dont 270 000 musulmans (170 000 Algériens), et 90 000 citoyens français (70 000 venus d’Algérie). Il ne faut pas non plus sous-estimer l’arrivée en France de travailleurs maghrébins, libres ou sous contrats, attirés dans les usines françaises et dont la présence élargit un mouvement tout juste amorcé en 1914, pour un total évalué à une centaine de milliers d’hommes.
Mais en Orient la dissociation est grande entre ces préoccupations diplomatiques et les choix militaires. Après le sanglant échec des Dardanelles, l’état-major allié a choisi de faire porter l’effort sur la Macédoine. Il envoie les troupes rembarquées vers Salonique, d’où il est possible d’agir sur les arrières austro-hongrois, bulgares et turcs. Ce théâtre reçoit à peu près toutes les forces qu’il paraît possible de distraire du front occidental. Les contingents français de l’« armée d’Orient » passent de 56 000 hommes à la fin de 1916 à 224 000 en mai 1918. Les Britanniques, tout en restant présents sur ce front, ne renforcent pas moins leurs forces en Égypte, où ils redoutent toujours une offensive turque. (...)