
Politique galopante du moment, ennui mortel qui se précise. Tout ce que le vieux et petit pays compte alors en lest il s’agite, comme il se démène pour son élection. Européennes, régionales, municipales. Le fardeau des castes d’Athènes et d’ailleurs allant de simulacre en simulation. Le reportage d’un quotidien cette semaine croit rapporter qu’entre Tsípras et Erdogan, il aurait accord secret quant au partage de la mer Égée et notamment de son pétrole, ce qui donc équivaut à la modification des frontières. Aucun démenti, et d’ailleurs Geoffrey Pyatt, l’Ambassadeur des États-Unis le confirme implicitement par ses déclarations. Sinon, élections en vue, on interviewera toujours l’insignifiant... et le pays ira alors voter. Politique courante.
Aux petites églises sous l’Acropole, les chaises sont rangées jusqu’à la prochaine liturgie. Sous leurs cloches, nos matous se reposent en attendant leur prochaine heure, autant il faut dire la nôtre. Les Grecs aillant préservé un minimum d’intégrité morale comme intellectuelle, ils ont déjà éteint leurs medias, Internet compris. “Leurs” candidats incarnent la souillure, l’hybris, le ridicule. Des connaissances figurent même sur certaines listes, tantôt “progressistes”, tantôt “autonomes”, nationales ou locales, nous les évitons en cette période électorale pour ne pas les froisser, pour ne pas nous froisser non plus en vérité.
La vérité fréquentable se loge ailleurs, et elle est alors déjà dite. Chez Séféris par exemple. “J’appartiens à un petit pays. C’est un promontoire rocheux dans la Méditerranée, qui n’a pour lui que l’effort de son peuple, la mer et la lumière du soleil. C’est un petit pays mais sa tradition est immense. Ce qui la caractérise, c’est qu’elle s’est transmise à nous sans interruption. La langue grecque n’a jamais cessé d’être parlée. Elle a subi les altérations que subit toute chose vivante. Mais elle n’est marquée d’aucune faille.”
“Ce qui caractérise encore cette tradition, c’est l’amour de l’humain ; la justice est sa règle. Dans l’organisation si précise de la tragédie classique, l’homme qui dépasse la mesure doit être puni par les Érinnyes. Bien plus, la même règle vaut pour les lois naturelles. Le soleil ne peut pas dépasser la mesure, dit Héraclite, sinon les Érinnyes, servantes de la justice, sauront le ramener à l’ordre... Dans ce monde qui va se rétrécissant, chacun de nous a besoin de tous les autres. Nous devons chercher l’homme partout où il se trouve.” Extraits du discours prononcé par Georges Séféris à Stockholm en novembre 1963, lors de la réception du Prix Nobel de Littérature. (...)