
Dans « les Irremplaçables », la philosophe et psychanalyste repense le concept d’« individuation » ou « souci de soi », par opposition à la notion d’individualisme, terreau privilégié de toutes les dérives antidémocratiques.
On le sait : « Les cimetières sont pleins de gens irremplaçables, qui tous ont été remplacés. » Mais c’est à une distance sidérale de ce genre d’évidences ou de clichés que se situe les Irremplaçables. Pour saisir le propos qu’y déploie Cynthia Fleury, professeure à l’American University de Paris, il faut plutôt songer à cette formule du Canadien Christopher Hodgkinson : « Personne n’est indispensable, chacun est irremplaçable. » L’irremplaçabilité est en effet ici celle des sujets particuliers, qui se forment chacun dans la « non-linéarité de la vie » et sont liés entre eux de telle façon qu’ils puissent librement et dans la justice, « faire société ».
Exprimé théoriquement, le thème de l’essai est le « processus de subjectivisation », autrement dit l’individuation, non pas au sens d’un individualisme, mais de cette irremplaçabilité des individus qui « protège la démocratie contre ses dérives entropiques » et sans laquelle « l’Etat de droit n’est rien ». Fleury poursuit son examen des pathologies des formes démocratiques, mais, ici, elle propose des remèdes, en étudiant les conditions qui permettraient d’« avoir le souci de l’Etat de droit comme l’on a le souci de soi ». (...)