
« N’attendons pas le vaccin pour agir dès aujourd’hui, exiger des moyens et organiser la solidarité dans la lutte pour la santé, la dignité, la vie ». À l’initiative de l’association Henri Pézerat en lien avec des syndicats, collectifs et associations appellent à une autre stratégie de lutte contre le Covid-19, avec une attention particulière sur la situation des précaires et des habitants des quartiers populaires.
La Constitution « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence ». Préambule de la Constitution française, alinéa 11
Depuis des mois, nous subissons l’échec retentissant de la gestion politique d’une épidémie qui n’aurait jamais dû entraîner un tel désastre sanitaire, social, culturel et économique, désastre dont les conséquences se feront sentir pendant des mois et des années.
Les yeux rivés sur les vendeurs de vaccins-miracle à coups de milliards d’argent public drainé vers les multinationales du médicament, le gouvernement tente d’occulter la destruction du système de santé en France, et pas seulement de l’hôpital, du fait des politiques néo-libérales de démantèlement des services publics en vigueur depuis plus de 30 ans.
Pour les victimes du Covid et pour tous les malades, en particulier ceux atteints de cancer et d’autres maladies chroniques, la stratégie choisie signifie une non-assistance à personne en danger délibérée, tant les besoins les plus élémentaires des uns et des autres n’ont pas été entendus, qu’il s’agisse des diagnostics tardifs du fait de la déprogrammation des interventions et consultations, ou de l’absence de soins en kinésithérapie, psychothérapie, suivi de diabète, de maladies cardiovasculaires et autres.
L’exigence autoritaire de « mobilisation » s’accompagne d’un souverain mépris pour les revendications légitimes des soignants et des citoyens pour une réorganisation radicale de l’offre de soins, non pas « à budget constant », mais orientée par les besoins des malades, - Covid ou non - ce qui suppose l’embauche massive de personnels, la re-création d’unités de soins de santé de base, d’hôpitaux et de maternités de proximité, un soutien aux soignants de premier recours et à ceux des services publics, par l’amélioration de leurs conditions de travail, de formation et rémunération, un financement solidaire des soins de santé par une Sécurité sociale de haut niveau de remboursement. (...)
Dans les écoles, collèges et lycées et même les universités de la Seine-Saint-Denis par exemple, ce territoire le plus pauvre du pays, quand y a-t-il du savon et du papier-wc dans les toilettes ? Entre 8h et 10h le lundi matin ? Quand sera-t-il possible d’ouvrir des fenêtres condamnées pour cause de vétusté ? Comment organiser le moindre protocole sanitaire dans des locaux, conçus pour 200 élèves, dans lesquels 400 s’y entassent ? Dans une classe surchargée, attendre -comme le recommandent les ARS - le 3e cas de Covid, avant de tester, isoler et suivre l’évolution au cas par cas, c’est – délibérément – laisser la contamination se répandre, non seulement parmi les élèves mais dans l’environnement familial, en jouant de surcroît sur la culpabilisation individuelle.
Toujours en Seine-Saint-Denis comme dans la plupart des quartiers ouvriers ailleurs en France, des centaines de milliers de travailleurs parmi les plus essentiels mais les plus mal payés et précaires – agent.e.s de nettoyage, caissières, aides-soignantes, auxiliaires de vie, éboueurs, ouvriers non qualifiés du BTP et de toutes les filières d’intérim et de sous-traitance de la production et de la maintenance industrielle, de la grande distribution, des transports, de la logistique – se pressent dans les métros du matin et du soir, quittant puis retrouvant des logements HLM exigus, souvent vétustes, humides, mal chauffés, voire carrément insalubres.
La contamination Covid y est pire qu’ailleurs. Et pour cause ! Ce gouvernement ne leur accorde aucune attention, aucune protection, alors que de leur travail dépendent la production et la vie. Pire encore, il cautionne la généralisation des pratiques esclavagistes des Uber, Deliveroo et autres « plateformes » d’exploitation humaine, à 2 euros de l’heure ! Dans toutes ces activités de travail et dans de telles conditions, la prévention de la contamination infectieuse n’est pas possible !
Les contre-pouvoirs syndicaux pour le droit à la santé des travailleurs ont été détruits (CHSCT). Les associations, collectifs, coordinations et autres réseaux de résistance sont interdits de rencontre, d’expression collective, de manifestation. Or ces contre-pouvoirs pourraient avoir un rôle majeur dans la lutte contre l’épidémie, sur les lieux de travail, mais aussi dans la cité. (...)
Une autre stratégie est possible !
Dans la lutte contre toute épidémie de maladie infectieuse, les seules stratégies efficaces sont celles qui permettent d’organiser le suivi clinique, psychologique et social des malades et de leurs contacts, en ayant pour objectif d’accompagner, soigner, guérir, et d’interrompre les chaînes de contamination. Ce ne sont pas les bien-portants qu’il importe de confiner mais les malades et ceux qu’ils ont pu contaminer1.
Cela veut dire :
– Déploiement sur le terrain des moyens d’assurer, dans les collectivités concernées, dès le premier cas positif détecté, un test PCR de tous les résidants et professionnels, comme le ministère de la santé le recommande depuis le premier octobre comme stratégie de surveillance et de dépistage en EHPAD, à savoir celle qui aurait dû prévaloir depuis le début de l’épidémie.
– Dépistage précoce sur la base de symptômes peu graves, au niveau des soins de première ligne et dans le cadre de dépistages groupés et ciblés, par dizaines de milliers de tests PCR dans les écoles, universités, entreprises, centres d’hébergement collectif, hôtels, etc....
– Suivi de l’évolution clinique des malades avec surveillance de la saturation en oxygène de l’hémoglobine, oxygénothérapie à domicile dès les premiers signes de désaturation en oxygène.
– Isolement des malades ou porteurs sains (avec arrêt de travail immédiat sans jours de carence), par rapport aux personnes non contaminées, ce qui suppose la réquisition d’hôtels ou de logements inoccupés et l’aménagement humain, économique et social des mesures d’isolement.
– Recherche, avec les malades eux-mêmes, des sujets-contacts, principalement au niveau familial, scolaire et professionnel, et dépistage systématique du Covid chez ces contacts, avec isolement dans l’attente des résultats du test.
– Continuité des diagnostics et des soins pour les personnes atteintes d’autres pathologies.
– Lutte pour la réduction des inégalités en inversant la hiérarchie des priorités, soit l’attribution de moyens en priorité aux territoires les plus défavorisés.
– Recensement des cas et du devenir de ces derniers par des équipes pluridisciplinaires, en lieu et place d’une épidémiologie hors-sol.
Nos revendications (...)