
Pendant que les anti-vax racontent n’importe quoi dans la rue et chez nos confrères complaisants, les services de réa se font “démonter“. Entretien avec un infirmier qui a les mains dans le cambouis au service de réanimation polyvalente de Bellepierre.
L’épidémie de Covid n’existe pas. Les services de réanimation saturés par le Covid, c’est faux. Et au pire, aller en réa, c’est pas la fin du monde. Et s’il y a bien du Covid, c’est juste une grippette.
C’est bien d’aller raconter ça à la télé : y aura toujours quelqu’un chez Réunion 1ere ou Antenne Réunion pour vous écouter sans vous contredire. En revanche, petit conseil : n’allez pas déverser ce genre d’idioties au service de réanimation de Bellepierre. Vous pourriez vous prendre une droite.
Chez celles et ceux qui bossent à sauver les malades du Covid, ça commence à bouillir. Marre d’entendre des conneries, marre de se faire traiter de collabos et de menteurs. Un infirmier du service de réanimation polyvalente du CHD nous a contactés pour nous parler de son quotidien. Nous l’avons donc interrogé, longuement. (...)
L’empathie, qu’on devrait tous avoir envers tout le monde est en train de diminuer. Pour les trois quarts, on est blasés de la connerie ambiante.
Dans le service, vous êtes vaccinés ?
Tu rigoles, là ?
La question de la vaccination semble se poser chez des soignants…
Nous, on sait ce que c’est, la réa. C’est hyper violent. Alors, oui, tous les médecins sont vaccinés, la majorité des soignants le sont. Il y a quelques personnels qui ne le sont pas, mais on ne va pas au clash, on évite de cliver des équipes qui doivent rester soudées, on évite le sujet. Mais moi, je ne comprends pas comment des gens qui travaillent ici, qui voient ce que le Covid peut faire, ne vont pas se faire vacciner. Le vaccin, pour l’instant, on n’a que ça. Point.
Il y a des gens, dans la rue, qui manifestent contre les vaccins, pourtant. Même des soignants. Même des médecins.
On a tellement envie de les défoncer… (...)
C’est pas, justement, votre erreur, d’avoir “fermé votre gueule“, et d’avoir laissé la place aux mensonges de Chazournes, Bourgeon, Bentolila ?
Tu as peut-être raison. C’est pour ça que la première ligne, nous, les soignants confrontés à l’épidémie, on doit l’ouvrir, maintenant. On en a marre de se faire marcher sur les pieds…
Un peu tard, non ?
Mais on est des soignants, on n’est pas des communicants. Chazournes, c’est bien, il fait le buzz. Mon chef de service en réa, lui, il bosse. T’as des médecins, ils font vingt-six heures de garde, ils rattaquent le lendemain, tu crois qu’ils ont envie d’aller à la télé ? Tu crois qu’ils ont le temps, pour ça ?
Quand vous avez des manifestants qui mettent en doute la réalité de l’épidémie, vous le vivez comment ?
Ils mettent notre parole en doute, on est traités de collabos, de vendus… C’est bon, là. Faut qu’on parle. Il faut qu’on ait un écho, nous, qui sommes directement confrontés au quotidien des patients covidés en réa.
Les gens ne se rendent pas compte, de ce qui se passe en réanimation ?
J’entends des gens dire “Oui, bon, au pire, on ira en service de réanimation, et puis voilà…” Mais viens pas en réa ! T’as des mecs qui sortent de là, à quarante-cinq ans, dans des états… La réa, c’est ultra-violent. Pour le corps, les familles, les soignants… Et pour éviter la réa, c’est le vaccin. Toute chose mise à part.
C’est-à-dire ?
Faut pas s’étonner, si aujourd’hui, les gens croient pas à ce que raconte le gouvernement sur les vaccins, le Pass sanitaire, depuis le temps qu’il nous raconte de la merde… Moi, j’ai pas confiance dans le gouvernement, qui raconte n’importe quoi depuis le début. Un n’importe quoi qui vient s’ajouter à la déliquescence du service public, aux lits qui ferment… Si y avait eu assez de lits, on les aurait passées, ces vagues ! Mais la vaccination, c’est autre chose. Le débat sur le service public, sur l’hôpital, sur les soignants, on verra plus tard. A la fin du premier confinement, quand on réclamait des lits, des infirmiers, devant l’ARS, y avait qui ? Je demande pas qu’on nous soutienne, juste qu’on ne parle pas à notre place, et qu’on se rende compte de ce qui est en train de se passer.