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Greek crisis
Convivialité frugale
Article mis en ligne le 7 janvier 2013

(...) Nous avons alors célébré notre deuxième réveillon de type nouveau chez nos amis sans chauffage, le cœur toujours bien réchauffé.

Les filles de Théodoros et de Fanny, tous deux dentistes, se sont regroupées devant le seul radiateur portatif allumé, c’est désormais la place d’honneur dans les foyers grecs sans feu, n’ayant que la flamme… de vivre. Alors les dents en crise sont bien creusées par les caries et on abandonnera la dentine dans son déclin… organique, sauf que Theodoros n’a plus trop envie de plaisanter cette année, ni de raconter des anecdotes sur le collagène de type I de la matrice dentinaire de ses patients comme les autres années. Il n’a pourtant pas perdu tout son sens de l’humour, et il n’a plus tellement envie non plus, de reprendre sérieusement ses analyses politiques : « La Révolution arrivera camarades, mais certainement après notre mort à nous tous, faisons donc la fête ce soir ! ». Nous nous sommes alors remémorés nos étés et nos hivers d’antan entre un verre de vin et les friands aux poireaux faits-maison, les salades et le salami. Nos amis n’ont pas cuisiné de viande cette année pour le réveillon, ce qui n’a infortuné évidement personne, "l’essentiel étant ailleurs" selon la nouvelle formule consacrée. (...)

notre ami et ses proches ne pensent pas quitter le pays. « J’y reste et je vais lutter comme je l’ai d’ailleurs toujours fait, par mon travail et par mes engagements politiques…. Contre vents et marées ». Mais pour d’autres, le seuil de l’inadmissible serait déjà franchi. Comme pour Antonis et son épouse Dimitra, pour qui, il n’y aurait désormais plus d’autre choix que de quitter le pays : « Je suis médecin spécialiste en chirurgie. J’exerce depuis plus de quinze ans au sein d’un établissement privé de la capitale, accueillant disons une clientèle très aisée. Mon épouse est cadre dirigeant dans le secteur financier d’une grande banque grecque. Nous avons toujours suffisamment gagné notre vie, je peux dire que nous faisions partie de la classe moyenne-haute. Depuis 2012, mon salaire, ainsi que celui de mon épouse ont été diminués de 35% tandis que l’imposition a été multipliée par deux. Inutile de dire que dans ce pays tout se dégrade. Je peux vous assurer qu’on peut mourir d’une rupture d’anévrisme désormais facilement.

A l’hôpital, certaines fournitures et préparations font défaut, il y a disons 50% de chances d’en survivre, au mieux. (...)

C’est encore une de nos nouvelles ruptures dans notre instant précaire devenu permanent. Nous ne discutons plus aussi facilement entre nous si on n’est pas sur la même longueur d’ondes, quant à la prise de conscience des enjeux. Ce n’est plus tellement une question d’affinités politiques (bien qu’il a aussi un peu de cela), mais de vision dans toute sa percée, percutante ou pas. Des simplismes, des « arguments » issus du Jurassid park des médias mainstream, de la seule actualité imposée par le calendrier du « gouvernement » et des occupants du pays, nous n’acceptons plus d’en débattre autant qu’avant. (...)

Nous nous enlisons dans la crise. J’ai aussi remarqué que certains sans abri du centre-ville gisant sur les trottoirs n’émeuvent plus grand monde, tout comme les suicides. Ils font leur apparition furtive à travers l’actualité dans l’indifférence ou plutôt dans la lassitude. D’autres nouvelles par contre, ont l’air plus significatives en ce moment. D’abord, le propriétaire du groupe Real (radio et presse anti-mémorandum avec… précautions), Andreas Kouris, vient d’être écroué pour dettes, neuf millions d’euros selon les reportages tandis qu’au même moment, la chaîne de télévision Mega-Tv (pro-mémorandum), propriété du groupe BTP et de presse Bobolas (et de celui de DOL) se voit accorder un prêt de 89 millions d’euros, justement pour pouvoir faire face à ses dettes. (...)

Toujours de saison, certaines revues littéraires nous rappellent les affinités de Martin Heidegger avec le nazisme, et Syriza, l’extrême gauche athénienne et le mouvement anarchiste dénoncent « les méthodes nazies de la police et du ministre Dendias », suite à l’évacuation violente de « l’espace autogéré » de la villa Amalia ainsi que des vendeurs ambulants immigrés du trottoir de la faculté d’Economie. Depuis deux jours, la tension est palpable autour de la faculté, le quartier est surveillé par la police et les jeunes étudiants montent la garde devant l’entrée. Tout devient affrontement, peut-être aussi car le temps de la politique faite par d’autres moyens est révolu. Nous sommes en guerre, sociale en tout cas. (...)

Dans ce monde de crise au moins, nous n’avons guère le temps de nous ennuyer. A défaut de construire par le haut pour le moment, nous nous construisons nos univers parallèles ou sinon, nous nous redéfinissons la teneur en bonheur des anciennes pratiques.
(...)

C’est important pour tenir sauf que la sociabilité et ses solidarités ne résoudront pas à elles seules la question de la grande politique et de la portée de ses décisions. Nous sommes tout autant assez nombreux à ne plus rigoler du tout. L’année 2013, solidarité ou pas, n’augure par exemple rien de nouveau pour Christos, le voisin artisan en faillite. « Bonne année… ça va très mal chez nous… ». (...)