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Mediapart
Contre le projet de loi constitutionnelle, l’appel de Pierre Joxe à la gauche vivante
Article en accès libre.
Article mis en ligne le 30 décembre 2015

Dans un texte confié à Mediapart, Pierre Joxe lance un appel à la « gauche bien vivante » pour qu’elle rejette le « stupéfiant » projet de loi constitutionnelle sur la déchéance de nationalité. Sur un ton mobilisateur, cette figure du socialisme français – ancien parlementaire, ancien ministre, ancien membre du Conseil constitutionnel, ancien président de la Cour des comptes – souligne « l’effet politique instantané » d’une décision controversée : « Soudain, la gauche anesthésiée se réveille. »

Bonne année ! Bonne nouvelle ! La gauche est bien vivante !

On pensait bien – malgré les mots crispés d’un oracle nerveux au regard sombre –, on savait bien que non, la gauche ne pouvait pas mourir.

Mais aujourd’hui on le voit bien : elle est en pleine santé la gauche, jeune, claire et tonique, affirmant sa volonté avec confiance et s’adressant – comme il convient – à l’armature démocratique de la République, aux représentants du peuple, ceux qui sont les seuls, tous ensemble, à pouvoir faire la Loi, expression de la volonté générale : les parlementaires.

Je viens de lire sur internet l’appel adopté par le Mouvement des Jeunes Socialistes.

Jugez vous-mêmes. Allez les lire !

Je les cite ici :

« Les Jeunes Socialistes déplorent le choix fait par le gouvernement…

« Permettre la déchéance de nationalité de binationaux, même lorsqu’ils sont nés en France, crée une inégalité de droit entre les citoyens. Cette mesure place les Français binationaux sous un régime juridique différent de celui de tous les autres Français. Elle fige une différence symbolique et de droit entre les citoyens français.

« Cette mesure ouvre une brèche dans le droit du sol, qui fait partie de notre identité républicaine et qui est attaqué depuis des décennies par l’extrême droite. (...)

Ces Jeunes Socialistes ont bien raison de se tourner vers le Parlement, car en France la Loi ne découle pas d’un discours, même proféré à Versailles.

Et la Constitution ne peut être modifiée que par un référendum ou par une majorité dite « qualifiée » de 3/5es des parlementaires – et non par la bouche cousue d’un Conseil des ministres surpris.

Ces Jeunes Socialistes ont bien raison de défendre des valeurs.

Non, ils ne « s’égarent » pas – comme le leur reproche ingénument un Premier Ministre feignant d’ignorer que, bien au contraire, c’est en oubliant leurs valeurs que de vieux socialistes « égarés » ont jadis déconsidéré la gauche, détruit pour dix ans leur Parti et abattu la IVe République.

Non seulement ces Jeunes Socialistes ne s’égarent pas, mais ils donnent le bon exemple, un exemple saisissant. Dans un texte vibrant d’indignation contenue, ils montrent qu’ils ont parfaitement assimilé les aspects juridiques les plus ardus de ce dossier complexe.

Ils ont décrypté les réserves polies et les hésitations précautionneuses des quatre-vingts honorables membres de l’Assemblée générale du Conseil d’Etat évoquant la violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Ils ont bien compris la portée de la jurisprudence ancienne et récente du Conseil constitutionnel, non seulement sur l’état d’urgence, mais surtout sur la déchéance de nationalité.

Ils ont bien lu le stupéfiant exposé des motifs du projet (n° 3381) de réforme constitutionnelle.

Comme ce texte officiel semble être passé inaperçu, j’en cite cet extrait éclairant, facilement consultable sur le site de l’Assemblée :
(...)

Oui, c’est bien « notre conception de la République », invoquée à juste titre par les Jeunes Socialistes, qui est en cause. Et qu’un socialiste adulte, encore jeune, mais déjà très mûr, puisse proférer qu’« une partie de la gauche s’égare au nom de grandes valeurs », cela rappelle de vieux et mauvais souvenirs.

Heureusement peut-être, entre précipitation et velléités, la longue liste des « Projets de réformes constitutionnelles » exhibés puis enterrés depuis bientôt trois ans peut laisser penser que l’explosif effet d’annonce d’aujourd’hui va disparaître dans l’effet de souffle qu’il a provoqué...

On ne le regrettera pas.

On regrettera peut-être davantage les réformes annoncées, rédigées et mises au congélateur depuis trois ans, comme en particulier :

– Le projet de loi constitutionnelle relatif à la démocratie sociale, n° 813 : oublié.

– Le projet de loi constitutionnelle relatif à la composition du Conseil constitutionnel, n° 814 : oublié.

– Le projet de loi constitutionnelle portant réforme du Conseil supérieur de la magistrature, n° 815 : oublié.

– Le projet de loi constitutionnelle relatif à la responsabilité juridictionnelle du Président de la République et des membres du Gouvernement, n° 816 : oublié.

Tous ces projets déposés en 2013, consultables sur le site internet de l’Assemblée, confiés au rapport du président de la commission des lois, Jean-Jacques Urvoas, et tombés rapidement dans l’oubli... parfois sans qu’un rapport soit rédigé !

Souhaitons cette douce euthanasie au projet n° 3381 et félicitons les Jeunes Socialistes. Quand on les lit, on n’a pas peur : la gauche est bien vivante.