
Samedi 5 mai, à Paris, plus de 40.000 personnes ont formé une foule baroque et manifesté leur rejet du monde que veut imposer Emmanuel Macron. Des cheminots au écolos, des infirmiers aux retraités, ils étaient tous là. Reportage.
Les dorures de l’Opéra Garnier scintillent, illuminées par les rayons d’un soleil radieux. En fin de matinée, ce samedi 5 mai, la place de l’Opéra se garnit et s’anime peu à peu. Les violons, violoncelles, clarinettes, flûtes traversières, saxophones et caisse claires de l’Orchestre debout s’accordent et s’ajustent au fil des répétitions, de leurs premiers airs d’Hymne à la joie, Bella Ciao ou The Partisan. Des cordes vocales s’échauffent, par-ci, par-là. Le spectacle n’est pas pour déplaire aux oreilles des touristes, badauds et manifestants. Les caméras tournent : les premières interviews sont « dans la boite » et les chaînes d’information en continu assurent déjà des directs à intervalles réguliers. Les interlocuteurs ne manquent pas : cheminots, personnels de santé, étudiants, sans-papiers, électriciens, caissiers, chômeurs, postiers, sourds, travailleurs du sexe... (...)
Avec ou sans étiquettes, de tous âges et de tous horizons, elles et ils sont rassemblés pour faire la fête à Macron, célébration ironique du premier anniversaire de l’Amiénois à la présidence française. Elles et ils allument, ensemble, la flamme sous un pot-au-feu de revendications, de propositions, de colères, de rages, de déceptions, de peines, d’espoirs, de désespoirs, de mauvaises et de bonnes humeurs. Leur socle : le rejet des réformes promises par Emmanuel Macron, des mesures d’austérité, de privatisation, de capitalisme, d’une certaine idée du monde. (...)
La marche est lancée sur les coups de 14 heures. Le défilé est carnavalesque, les clowns et les échassiers amusent la galerie, les fumigènes, les feux d’artifices et les tam-tams sont de sortie. Quatre chars contribuent largement à l’arôme festif de l’évènement. Ils représentent tour à tour un Macron-Jupiter (le côté impérialiste), un Macron-Dracula (la société de consommation et les multinationales) et un Macron-Napoléon (la dimension guerrière). Le dernier met en scène les différentes formes de résistances. Des prises de parole ont lieu depuis les chars. Quelques poussettes et leurs bambins roulent, ça et là, sur le bitume. (...)
« C’est important de faire la fête à Macron pour dire qu’on ne peut pas, aujourd’hui, traiter des problèmes sociaux et écologiques comme des entités séparées, explique-t-elle. Une vision systémique est nécessaire pour avancer et poser les fondements d’une société résiliente et solidaire. » (...)
En fin d’après-midi, la fête à Macron investit massivement la place de la Bastille et entoure la colonne de Juillet, sous l’oeil des Compagnies républicaines de sécurité (CRS). Jean-Luc Mélenchon et Frédéric Lordon, entre autres, prennent la parole. Pas François Ruffin. Par endroit, la place prend des allures de festival. Différents concerts sont proposés, divers univers musicaux sont explorés. (...)
Les organisateurs appellent à réchauffer le pot-au-feu le 26 mai, avec la participation de la CGT. Rendez-vous pris. (...)
Seul accroc dans une journée que ses organisateurs souhaitaient non-violente : en fin d’après-midi, alors que le cortège atteignait la place de la Bastille, une cinquantaine de personnes s’en est pris au car-régie de Radio-France. Plusieurs vitres ont été brisées, un fumigène jeté à l’intérieur. Selon la Préfecture de police, un policer a été blessé, sans gravité, et huit personnes interpellées.