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la Quadrature du Net
Conservation des données : le Conseil d’État osera-t-il défier la CJUE ?
Article mis en ligne le 11 février 2016

Alors que le Conseil d’État doit rendre ce vendredi une première décision dans ce dossier brûlant1, Privacy International (PI) et le Centre for Democracy and Technology (CDT) ont soumis un mémoire, dans le cadre d’une tierce intervention visant à soutenir les recours initiés par FDN, FFDN et La Quadrature du Net. L’enjeu : obtenir l’abrogation des dispositions imposant la conservation généralisée des métadonnées en France, et permettre à la Cour de justice de l’Union européenne de jouer pleinement son rôle de garante des droits fondamentaux.

Un mot sur le contexte

Dans les semaines qui suivirent les attentats du World Trade Center en septembre 2001, et ceux de Londres et Madrid en 2004 et 2005, plusieurs pays dont la France adoptèrent des lois visant à la conservation généralisée des données de connexion. L’Union européenne de son côté adopta la directive n° 2006/24/CE du 15 mars 2006, imposant le principe de conservation généralisée des données de connexion à l’ensemble des États membres de l’Union, avec une durée de conservation pouvant aller de six mois à deux ans.

Or, dans l’arrêt Digital Rights du 8 avril 2014, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a invalidé cette directive, alors que ses atteintes au droit à la vie privée avaient déjà été dénoncées par les juridictions constitutionnelles ou administratives de plusieurs États membres, les juges nationaux estimant que ces dispositions emportaient une ingérence disproportionnée dans la vie privée et la liberté de communication de leurs citoyens. Tel fut le cas de la Roumanie (2009), de l’Allemagne (2010), de la Bulgarie (2010), de Chypre (2011) et de la République Tchèque (2011).

Le 24 décembre 2014, Le Gouvernement français adoptait le décret dit « LPM2 ». C’est contre ce décret que les « exégètes amateurs3 » ont introduit leur premier recours. Par la suite, ils ont initié un autre recours visant cette fois-ci le refus du Gouvernement d’abroger (...)

S’il validait le dispositif de surveillance français, le Conseil d’État s’inscrirait non seulement à contre-courant d’une jurisprudence européenne déclinée par les cours suprêmes de nombreux États en Europe, mais tournerait aussi le dos à deux éléments constitutifs de l’Union européenne, à savoir la Charte des droits fondamentaux d’une part et le dialogue des juges d’autre part. (...)

Le 12 février prochain à 14 heures, le Conseil d’État doit rendre une première décision sur le recours contre le décret LPM. Si les juges français devaient valider le dispositif français ou s’opposer à la saisine de la CJUE, cela serait non seulement l’expression d’une profonde défiance à l’égard de la CJUE, mais aussi un véritable déni de justice pour les citoyens français.

Alors qu’un débat mondial se tient contre les mesures de surveillance d’Internet et que, partout en Europe, des tribunaux poussent à une refonte des législations nationales pour tenir compte de la jurisprudence de la CJUE, le rejet de l’action introduite par FDN, la FFDN et La Quadrature du Net marquerait un recul historique de plus pour l’État de droit en France. Il s’agirait enfin d’une énième expression de la crise historique que traverse la construction européenne.