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Composition des plateaux télé : sur France Télévisions, on s’autocongratule
#television #Acrimed
Article mis en ligne le 30 avril 2023
dernière modification le 29 avril 2023

« Chaque jour, ou presque, nous recevons à la médiation des courriels qui critiquent la qualité ou la pertinence de tel ou tel invité. C’est vraiment un sujet d’irritation récurrent pour certains d’entre vous, et un problème de crédibilité comme de confiance pour les médias » introduit le médiateur de France Télévisions, Jérôme Cathala, le 12 avril sur France 3. Et pour atténuer « l’irritation » et rétablir la « confiance », rien de tel qu’une petite causerie dans un douillet entre-soi : sont conviés en plateau Bruno Gaston, producteur de « C à vous » et « C dans l’air » ; Nicolas Daniel, directeur des magazines de France Télévisions ; et Gilles Bornstein, présentateur de l’émission « Votre instant politique » (Franceinfo), éditorialiste, et rédacteur en chef de l’émission « L’événement » (France 2). En d’autres termes, le pouvoir éditorial se répond à lui-même [1].

L’exercice du médiateur, sur France Télévisions comme partout ailleurs, est rodé : il s’agit généralement de montrer, « dans l’explication et la pédagogie », que tout va bien dans le meilleur des mondes. De confisquer la parole, tout en feignant de la prendre en compte. De faire croire que l’on « entend » les reproches, pour mieux asséner que ces derniers sont infondés. Comment pourrait-il en être autrement puisque la critique médiatique n’est autorisée que sous la forme de témoignages de téléspectateurs mécontents, dont quelques lignes sont généralement lues ou résumées à l’antenne ? Un dispositif confortable, qui ignore superbement études et travaux étayés, qui analyseraient par exemple les travers des émissions d’actualité politique. Le catalogue d’Acrimed en est pourtant garni, qu’il s’agisse d’articles concernant l’entre-soi des plateaux de « C dans l’air », le déséquilibre et la partialité de ceux de « C à vous » (que nous critiquions en février dernier) ou encore de la médiocrité des émissions politiques « spéciales » de France 2. (...)

« Compétents et informés » les Christophe Barbier, Yves Thréard, Nathalie Saint-Cricq, Alain Bauer, Pascal Perrineau, Dominique Reynié, Hervé Gattegno et autres éditocrates et sondologues invités (là et ailleurs) en permanence ? Défense de rire. Rappelons, par exemple, que le premier avait aligné les plantages en série, avant de soutenir, pour se justifier, que « la vérité de 6h50 n’est pas celle de midi ». Un dicton à haute valeur journalistique ajoutée, pour sûr... (...)

L’avantage, avec ces « gens qui nous écrivent » sans avoir le droit à la parole, c’est qu’on peut leur faire dire n’importe quoi, en s’arrangeant pour rester au juste milieu de toutes les critiques ! Jamais avares de pédagogie, les journalistes profitent généralement du passage du médiateur pour infliger aux spectateurs quelques leçons supplémentaires, pour leur expliquer ce qu’on essaie d’expliquer :

Bruno Gaston : On s’emploie, avec « C dans l’air », à essayer d’expliquer les sujets d’actualité. Expliquer ça veut dire enjamber la tentation qui consisterait à distribuer les bons et les mauvais points, dire « c’est tout blanc, c’est tout noir », et essayer de raconter, y compris quand il n’y a pas de vérité qui peut s’exprimer, des notions qui de temps en temps sont des notions qui peuvent laisser matière à réflexion, voire à un peu d’idéologie.

Le directeur des magazines de France Télévisions, Nicolas Daniel, vient à la rescousse, et précise les causes de l’uniformité des plateaux de « C dans l’air » :

C’est pas une émission de débat, c’est pas une émission de points de vue au départ. C’est pas ça qu’on attend de « C dans l’air » en premier. C’est pas « pour ou contre ». Généralement ce sont des gens qui ont une expertise, et ce qu’on va leur demander c’est un décryptage et une expertise sur un sujet donné, et ce qu’on attend d’eux généralement, il y a quatre personnes en plateau, c’est que leurs expertises se complètent, pas qu’elles s’opposent.

Si les invités de « C dans l’air » sont tous d’accord – pardon, « se complètent » –, c’est qu’ils ont une « expertise » et pas de « point de vue ». Et qu’on a pris soin d’éloigner des experts qui penseraient différemment... Merci pour cette « pédagogie » ! (...)