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Comment le gouvernement a bafoué la liberté de manifester contre le Lyon Turin
Noël Communod et Laurent Blondaz (Reporterre) - 7 décembre 2012
Article mis en ligne le 7 décembre 2012

Lors du sommet franco-italien du 3 décembre, les manifestations pacifiques contre le Lyon Turin ont été empêchées et des provocations policières ont eu lieu. Voici un témoignage précis de ce qui s’est passé.

De nombreux opposants au Lyon-Turin venus d’Italie et de Savoie pour manifester pacifiquement ont été bloqués aux tunnels du Fréjus ou du Mont-Blanc, au péage à l’entrée de Lyon, où des troupes de CRS avaient été disposées.

Après de nombreux tracas, des bus de militants ont pu finalement passer grâce à l’action de Noël Communod, conseiller régional EELV-RPS, président du Mouvement Région Savoie, militant actif de la Coordination contre le Lyon-Turin qui organisait cette manifestation. S’attendant à des sabordages de cette manifestation, Noël est venu exiger sur la plate-forme du tunnel du Fréjus que les personnes puissent librement circuler. Il livre ci-dessous son récit de la journée et s’interroge sans langue de bois sur les agissements provocateurs des forces de l’ordre (...)

11 heures30 : Après des contrôles interminables, les cars partis au compte-goutte attendent près de Saint-Jean-de-Maurienne, le dernier d’entre eux encore retenu au Fréjus. Un hélicoptère ne cesse de survoler le convoi. Je les suis en voiture.
Un car aura été retenu plus de 4 heures. Mais où sont les accords de Schengen ? Pourquoi un contrôle systématique des personnes sur des opposants à un projet international qui n’a pas donné lieu à débat public ? (...)

12h30 : Je suis en voiture le convoi des onze cars. A l’arrivée au péage de St Quentin Fallavier, aux abords de Lyon, une brigade de CRS intercepte le convoi et stocke les cars sur le parking situé après le péage. Les CRS laissent les Italiens, malgré mes remarques au commandant, descendre des bus, et se retirent pour les laisser envahir l’autoroute sans stopper le voitures. Je sens le piège qui permettrait aux CRS de charger et j’appelle le préfet de police pour lui demander de donner l’ordre aux CRS de faire remonter les Italiens dans les bus immédiatement. Il donne cet ordre. Les CRS s’exécutent. Les cars restent bloqués. Les Italiens discutent entre eux et décident de continuer vers Lyon. Dès l’annonce de cette décision, l’ordre est donné de les laisser passer.
Quelle justification à ce nouvel arrêt ? Est-ce pour organiser une provocation et permettre de justifier leur refoulement ? Est-ce pour retarder encore leur arrivée à Lyon ? Quel droit applique-t-on ? (...)

15h50 : Les opposants au Lyon-Turin enfin arrivés à Lyon veulent faire partir un cortège de la place des Brotteaux. Mais les cars sont amenés sur la place elle-même. Le piège se referme sur eux et sur les manifestants français qui les attendaient sous la pluie : la place est encerclée et fermée en grande partie par des CRS. Derrière les barrières, sur trois cercles concentriques : un minimum de 1500 hommes en uniforme sont comptés.
Avant l’arrivée des italiens, les membres de la coordination se rendent compte que plusieurs manifestants déguisés sont en fait des policiers infiltrés. L’un d’entre eux, en salopette blanche, bouscule des journalistes et s’en prend au caméraman de FR3. La jeune journaliste est affolée et elle va partir. D’autres ne sont là que pour provoquer des incidents qui puissent dégénérer et justifier les moyens déployés.

16h40 : Les No TAV italiens ne veulent pas être « venus à Lyon pour rien ». Les manifestants se trouvent parqués au croisement de la rue Juliette Récamier et du boulevard des Belges, dans le 6è arrondissement de Lyon. Les policiers laissent entrer des gens sur la zone mais personne n’en sort pour l’heure. (...)

Les conclusions d’une telle journée me laissent perplexe. Ceux qui avaient tant critiqué l’État policier mis en place par Sarkozy ont endossé l’uniforme en lui donnant encore plus d’ampleur.

Que voulait-on prouver avec la mise en place d’un tel dispositif ? Le ministre de l’Intérieur voulait-il montrer des muscles devant ses collègues et les deux chefs d’État présents, voulait-il faire monter ses sondages de popularité auprès de la population lyonnaise avec cette mise en scène ?

Nos amis piémontais, paisibles villageois, Turinois ou universitaires (certes accompagnés de quelques jeunes anarchistes), sont repartis en disant que la police d’Hollande n’avait rien à envier à celle de Berlusconi-Monti . Habitués et aguerris face à l’armée et aux escadrons de gendarmerie , soit 4000 policiers qui se relaient jour et nuit pour « protéger le site ».

L’argument qui restait aux promoteurs du Lyon-Turin pour faire valoir le projet après que nous ayons démystifié tous les chiffres de trafic et de coûts, était l’argument de la mise en relation entre les peuples que devait créer ce nouveau tunnel. C’est vraiment mal parti lorsqu’on voit comment on organise l’accueil de nos voisins italiens à la sortie du Fréjus tunnel existant. Comment faire confiance à ces dirigeants qui ont menti pour construire ce dossier et qui ont également menti en créant une galerie de sécurité pour le Fréjus et en annonçant récemment qu’elle constituerait une nouvelle voie pour faire passer des camions.