
Prétendant « recycler » le combustible nucléaire usé, l’industrie du retraitement complique avant tout la gestion des déchets en multipliant les quantités de plutonium et de matières dangereuses. La plupart des pays engagés dans cette voie sans issue en sortent... mais pas la France.
Le technicien des prélèvements de l’usine de La Hague n’a pas l’air dans son assiette, son regard fuyant évite la caméra. « Y’a-t-il une contamination de l’environnement par les rejets de l’usine ? » demande la journaliste. Long silence gêné. La scène, visible à la 55e minute du documentaire Déchets, le cauchemar du nucléaire, illustre le malaise de certains salariés d’une des installations concentrant le plus de radioactivité au monde.
À La Hague, l’industrie nucléaire utilise depuis 1966 un procédé très polluant et complexe : le « traitement du combustible usé » (communément appelé « retraitement »). Les crayons d’uranium irradiés dans le cœur des réacteurs y sont mis en piscines de refroidissement quelques années, puis cisaillés, passés dans des bains d’acides et de solvants, puis rincés.
À quelle fin ? Pour en extraire le plutonium, une des matières les plus dangereuses au monde, qui ne se forme que dans le cœur des réacteurs, et de l’uranium retraité, qui pourrait resservir en tant que combustible.
Extraire le plutonium 239 pour les bombes atomiques
Selon la communication officielle, le retraitement ne génère pas de contamination, seulement des « rejets autorisés ». Ils sont crachés par les cheminées, déversés au bout d’un tuyau enfoui dans la Manche. En réalité, selon l’expert indépendant Mycle Schneider, « l’usine est autorisée à rejeter 20.000 fois plus de gaz rares radioactifs et plus de 500 fois la quantité de tritium liquide qu’un seul des réacteurs de Flamanville situés à 15 km de là ». Elle contribue pour « près de la moitié à l’impact radiologique de toutes les installations nucléaires civiles en Europe ».
L’origine de cette pollution radioactive permanente ? La course à l’arme nucléaire aux débuts de la Guerre froide, dans les années 1950 (...)
En définitive, aucune raison énergétique, économique, industrielle, logistique ou expérimentale ne justifie la poursuite du retraitement et de la séparation du plutonium. Restent quatre États enferrés dans le casse-tête. Le Japon n’a pas officiellement abandonné l’usine de Rokkasho, mais elle vient d’abandonner le surgénérateur expérimental de Monju. La Russie démantèle ses installations de retraitement militaire, mais poursuit la filière des surgénérateurs. L’Inde produit du plutonium pour alimenter des surgénérateurs, puis d’hypothétiques réacteurs au thorium dans quelques décennies.
Enfin la France, qui reste désespérément suspendue à son dogme malgré tous les signaux contraires. Jusqu’à quand ?