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l’Express
Comment la France a recruté des savants de Hitler
Article mis en ligne le 6 août 2022

(...) L’homme s’appelle Otto Kraehe. Il est allemand. Pas n’importe quel Allemand.

Entre 1935 et 1945, cet ingénieur berlinois a participé, sur la base secrète de Peenemünde, en mer Baltique, aux recherches de Wernher von Braun, le concepteur des fusées V 2, ces fusées que Hitler lâcha en masse sur Londres et Anvers à la fin de la guerre. Fait prisonnier en 1945 par les Américains, von Braun, scientifique opportuniste et officier SS, devint aux Etats-Unis le père des programmes spatiaux de la Nasa de l’ère Kennedy. « Il rêvait depuis toujours d’envoyer une fusée sur la Lune. Il a réussi », ironise Kraehe. 120 anciens de Peenemünde ont suivi leur patron outre-Atlantique. Plus de 200 ont été embarqués de force par les Soviétiques. D’autres sont restés en Europe. Comme Kraehe.

(...) Je savais que nous ne pourrions plus mener nos recherches en Allemagne. J’ai appris que la France cherchait des ingénieurs pour reconstituer des V 2. Les conditions étaient bonnes. Alors, j’ai signé un contrat avec le ministère de l’Armement. J’ai commencé à Puteaux, puis j’ai rejoint une soixantaine d’Allemands au Laboratoire de recherches balistiques et aérodynamiques [LRBA], créé à Vernon en mai 1946. Au début, les gens du coin se demandaient ce que nous bricolions dans nos baraques cachées dans la forêt. Nos tests de fusées faisaient un bruit monstre et dégageaient d’épaisses fumées. Et puis tout le monde s’est habitué à notre présence. J’ai été le premier à me marier avec une jeune femme de la région, en 1950. Je suis reparti en Allemagne en 1958, avant de revenir en France en 1963 et de m’installer ici pour ma retraite. Mes collègues restés au LRBA ont mis au point la fusée Véronique et le moteur Viking des fusées Ariane. »

Un témoignage précieux. Otto Kraehe est, avec Helmut Habermann (voir l’encadré page 128), l’un des rares survivants allemands présents en France de cette épopée. Leur collègue Heinz Bringer, le père du moteur Viking, est décédé près de Vernon le 2 janvier dernier, à l’âge de 90 ans. Leur aventure a longtemps été tenue secrète. Et pour cause : les contrats de travail signés avec le ministère de l’Armement leur interdisaient de parler à quiconque de leurs travaux. Ils risquaient la peine capitale ! (...)

Plus étonnant : le LRBA n’est pas le seul organisme français à avoir bénéficié, après guerre, de ces « transferts de technologie » très particuliers. Les faits ont longtemps été masqués aux yeux de l’opinion pour cause d’orgueil national et de secret défense. Mais, depuis quelques années, une poignée d’historiens et d’initiés ont commencé de découvrir une réalité insoupçonnée : entre 1945 et 1950, la France a massivement recruté des « cerveaux du IIIe Reich ». Combien ? En recoupant ces études avec les archives accessibles et des témoignages directs, L’Express peut avancer qu’ils furent plus d’un millier. Soit nettement moins que les 5 000 savants allemands enrôlés par l’URSS ou les 3 000 recrutés par les Etats-Unis dans le cadre de leur opération « Paperclip ». (...)

Lire aussi :

LES SAVANTS D’HITLER

(...) Le régime nazi n’a utilisé la science qu’à des fins de destruction : théories racistes et anti-scientifiques appliquées à la stérilisation, l’eugénisme, l’euthanasie, puis, dans les camps, expérimentations diverses, technologie de la destruction, etc.

Cornwell décrit tout la fois une politique à très court terme (investissements de guerre), une véritable désorganisation à l’intérieur du gouvernement et une ignorance inimaginable du Führer.

Le cas de la bombe atomique est particulièrement documenté. Toutes les techniques d’armement - le seul domaine où le Reich en guerre ait vraiment investi - sont présentées, mettant en évidence la complicité de l’industrie allemande (IG Farben), mais également le travail forcé et les « esclaves » qui ont seuls permis de faire tourner la production.

En abordant les problèmes contemporains, Cornwell offre une réflexion sur la Guerre Froide, mais également sur les guerres actuelles (Irak) et la problématique de la diffusion de l’arme atomique (en Corée, par exemple). Car c’est bien elle qui se trouve au centre de ce livre, interdisant d’opposer le Mal qu’aurait été le régime nazi au Bien que représenteraient les démocraties. (...)