Bandeau
mcInform@ctions
Travail de fourmi, effet papillon...
Descriptif du site
Basta !
Comment la Banque Postale pousse, par tous les moyens, ses clients vers le crédit à la consommation
Article mis en ligne le 13 juin 2016
dernière modification le 9 juin 2016

La Banque postale se proclame « banque citoyenne » et assure des missions de service public. En théorie. Un journaliste du journal grenoblois Le Postillon a assisté à un séminaire interne, destiné aux salariés de La Poste en Isère. Entre slogans managériaux absurdes et remises de prix aux commerciaux « 100% performants », les directeurs locaux expliquent aux « chargés de clientèle » comment « se gaver » en aiguillant leurs clients vers des systèmes d’endettement continu. Ce n’est pas l’intérêt du client, ou de l’usager, qui compte, mais les taux que pourra engranger la banque. Récit.

Les normes Vigipirate, l’état d’urgence, ce n’est plus ce que c’était. On a beau nous bassiner toute la journée avec ça, ces dispositifs sont, en plus d’être anxiogènes et liberticides, complètement inefficaces. L’autre jour, le 7 janvier, soit un an jour pour jour après la tuerie de Charlie Hebdo, je me suis facilement incrusté à un pince-fesses organisé à Alpexpo, le grand centre de congrès de Grenoble, qui était censé être « 100 % sécurisé » comme ils disent. La Banque Postale, organisatrice de l’événement, avait invité les centaines de ses conseillers isérois en les pressant « en raison des normes Vigipirate » de se munir de « l’invitation » et « d’une pièce d’identité », « éléments obligatoires pour l’entrée ». Je n’étais pas invité, et pourtant j’ai pu rentrer sans peine, sans même être fouillé. Bon en même temps, faudrait quand même que des terroristes aient un sérieux pète au casque pour aller se faire sauter dans un séminaire de la Banque Postale.

C’est que ce genre de moments est autrement plus chiant qu’un concert des Eagles of Death Metal. Comme la Poste aime bien la novlangue — savez-vous qu’il ne faut plus dire « guichetiers » mais « chargés de clientèle », par exemple ? — elle a baptisé cette sauterie annuelle le PACS, pour Plan d’action commercial et social. Au programme, un bilan financier de l’année écoulée, les objectifs pour l’année suivante et la remise des prix pour les vendeurs les plus méritants. (...)

L’art et la manière de pomper du fric

Au niveau ambiance, on assiste à un subtil mélange entre le Club Med et une conférence de presse du ministère du Travail sur les chiffres de chômage. C’est-à-dire qu’on a à la fois une musique de merde entraînante boostée à plein volume et des vidéos déplorant que les objectifs fixés par la direction n’ont pas été atteints. Le résultat est assez pénible pour les oreilles comme pour les yeux. D’autant que la Banque Postale a visiblement décidé de faire des économies en experts en communication pour se contenter de rajouter 100 % devant tous les mots qui passent. On a déjà vu que cette réunion devait être « 100 % sécurisée » ; tout au long de l’après-midi on apprendra qu’à La Poste, ils sont « 100 % innovants », « 100 % multicanal », « 100 % réussite », « 100 % résultats », « 100 % courrier-colis », etc. Et avant tout, « 100 % clients », la formule qui apparaît sur presque tous les documents projetés et qui sera maintes fois répétée par les intervenants : « Pour relever les défis qui nous attendent, il faut qu’on soit orienté dans une stratégie 100 % clients ».

Qu’est-ce que ça veut dire ? Pas grand chose, comme toujours avec la novlangue. (...)

tous les coups sont permis afin de « transformer un pépin en pépite », comme le dit Patrice Bouchard, le directeur du centre financier de Grenoble. Même les « jeunes » font partie des « cibles prioritaires » : « Quand on rencontre un client qui a des enfants de plus de 12 ans, il faut demander le numéro de téléphone et l’adresse mail de leurs enfants », assène le directeur commercial Hugo Bajic. Il n’y a pas d’âge pour se faire entuber.
Crédit à la consommation : « Vous allez vous gaver »

Je connais mal le milieu de la banque et peut-être sont-ils tous comme ça. En tous cas, Julien Tétû est une de ces personnalités dont l’écoute suscite immédiatement la répulsion. Et ça fait du bien : on a beau avoir des convictions, il faut quand même les conforter de temps en temps. C’est que le « président du directoire de La Banque Postale financement » atteint un haut niveau de dégueulasserie : il y en a qui sont abjects en amateur, lui fait preuve d’un impeccable professionnalisme. Son truc, c’est le crédit à la consommation, et s’il est là aujourd’hui c’est pour que les salariés isérois de la Banque Postale convainquent un maximum de clients de tomber dans cet attrape-nigaud. Alors il s’agite devant des graphiques, en déplorant qu’il y ait seulement 10 000 clients aujourd’hui, et en fixant l’objectif pour 2020 : « 17 000 clients. Il nous en reste 7 000 à aller chercher. Ça va être du bonheur », assure-t-il sans rire. Et enchaîne : « En Isère il y a 60 000 clients éligibles sur le crédit renouvelable : vous allez vous gaver ». (...)