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Comment l’alliance entre l’industrie nucléaire française et russe veut faire capoter la transition allemande
Article mis en ligne le 27 juillet 2021

L’Allemagne doit sortir du nucléaire en 2022. Mais l’entreprise française Framatome souhaite continuer à exploiter son usine allemande de combustible nucléaire. Pour le faire, elle compte s’associer à une filiale de l’entreprise d’État russe Rosatom.

Les entreprises nucléaires françaises et russes vont-elles ralentir la sortie du nucléaire allemande ? C’est ce que craignent des élus et des activistes environnementaux en Allemagne. Framatome, entreprise française détenue à 75 % par EDF, fabrique des combustibles pour les centrales nucléaires en France et à l’étranger. Elle détient une filiale en Allemagne, Advanced Nuclear Fuels (ANF). Son usine de Lingen, dans le nord-ouest du pays, produit des combustibles destinés principalement aux centrales d’Europe de l’Ouest. L’usine doit continuer à fonctionner après 2022, date à laquelle l’Allemagne a pourtant décidé de stopper définitivement tous ses réacteurs et de « sortir » de l’énergie atomique. Au vu de son carnet de commandes, le site de Lingen devrait rester en fonction au moins jusqu’en 2032 (...)

En avril, les Allemands ont eu la surprise de découvrir que, pour continuer à faire tourner cette usine, Framatome comptait s’associer à une filiale de l’entreprise nucléaire d’État russe Rosatom, (du nom de TVEL). « Framatome SAS (France) et JSC TVEL (Fédération de Russie) sont en train de négocier une coentreprise pour coordonner la fourniture d’éléments combustibles spécifiques pour les centrales nucléaires, dans laquelle JSC TVEL détiendra une participation minoritaire de 25 % », nous confirme le service de presse de la filiale de Framatome. Pour que la coentreprise franco-russe voie le jour, il faut encore qu’elle soit approuvée par le ministère de l’Économie allemand, en train d’examiner la question. Et les critiques émergent face à ce projet de coopération franco-russe sur le sol allemand. (...)

« La sortie du nucléaire allemande n’est pas crédible si on laisse ces usines en fonction »

En mars dernier, le ministère de l’Environnement allemand, dirigé par une sociale-démocrate, a réaffirmé que « la sortie du nucléaire en Allemagne n’est pas compatible avec la production d’éléments combustibles pour les centrales nucléaires à l’étranger ». Le ministère préconisait donc « la fermeture des usines de Lingen et de Gronau » – une usine d’enrichissement d’uranium détenue par les États britanniques et néerlandais, ainsi que les entreprises énergétiques allemandes Eon et RWE. Cette fermeture « devrait être mise en œuvre au cours de la prochaine législature », préconise le ministère. Problème : le ministère de l’Économie s’y refuse pour le moment.

Cette question est placée « tout en haut de l’agenda de politique nucléaire » par les écologistes qui pourraient entrer au gouvernement après les élections législatives du 26 septembre. (...)

Une augmentation de la production de l’usine ferait aussi monter le niveau des indemnisations à payer par l’État aux exploitants pour fermer le site. (...)

« L’industrie nucléaire russe se sert de ce type de coopération pour faire du lobbying en Europe, accuse Vladimir Sliviak, coprésident d’Ecodefense, une ONG environnementale russe. C’est aussi un moyen pour Rosatom d’avoir accès à des fonds européens et de renforcer l’influence politique russe en Europe. » L’ONG russe s’est associée à des organisations allemandes et à Sortir du nucléaire en France pour demander la fermeture du site de Lingen et s’opposer à la coopération franco-russe. (...)

Une délocalisation des déchets radioactifs français vers la Sibérie ?

L’industrie nucléaire française coopère à divers niveaux avec l’entreprise d’État russe et ses filiales. (...)

En Russie, « l’industrie nucléaire est très proche de Poutine, ils peuvent faire ce qu’ils veulent » (...)

Un moyen, aussi, de délocaliser le risque de mobilisation antinucléaire là où elle sera plus facilement étouffée : « C’est beaucoup plus facile de stocker des déchets radioactifs en Russie qu’en Europe », déplore le militant russe Vladimir Sliviak. « Chez nous, les associations environnementales travaillent sous la pression du pouvoir. L’industrie nucléaire est très proche du président Poutine. Ils peuvent donc faire ce qu’ils veulent »

En 2019, le groupe français Orano (le nouveau nom d’Areva) signait un contrat avec une filiale de Rosatom pour construire une usine d’uranium appauvri, localisée sur le site de Zelenogorsk, au nord de Saint-Pétersbourg, sur le golfe de Finlande. La même année, Rosatom annonce la signature d’un contrat avec Framatome et l’entreprise allemande Siemens pour fournir des systèmes de contrôle à une centrale en Hongrie. EDF a aussi remporté en avril 2020 un contrat de fourniture du système de protection du réacteur de la centrale nucléaire de Koursk II en Russie… Il n’y a pas que sur le gaz que la Russie gagne en influence dans l’énergie en Europe.